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ceux-là ? .. C’est un beau mot que celui d’union, mais sachez avec qui et avec quoi vous vous unissez. Pour moi, je pense que vous vous écartez du chemin où est la sagesse, où est la stabilité, où est l’avenir, et qu’au lieu de chercher des alliés qui vous apporteraient l’estime de tout ce qui est honnête, vous allez chercher vos nouvelles alliances dans un lieu où vous-même, d’ici à quelque temps, ne voudrez pas demeurer. »

Tout est là. C’est un déplacement complet de direction sous ce singulier pavillon de « l’unité du parti républicain. » Le gouvernement s’est placé et il reste dans des conditions où il ne peut plus guère échapper aux conséquences de ses actes, de ses évolutions et de ses concessions, où sa situation tout entière se caractérise par les manifestations que sa politique provoque, par les alliances auxquelles il est obligé de s’asservir. Le gouvernement a voulu donner à des passions frivoles et surannées d’irréligion, à des ardeurs de secte et de parti, cette dangereuse satisfaction des décrets du 29 mars. Une fois dans l’aventure, il a bien été forcé de passer à l’exécution, de mettre la main à l’œuvre. Il s’est engagé visiblement sans trop savoir où il allait, sans tenir compte des résistances de l’instinct libéral, des conditions d’un ordre nouveau où les garanties de droit commun, la liberté du domicile, la liberté individuelle, l’inviolabilité de la propriété, sont le bien de tous, et le voilà au milieu de complications qui ne laissent pas vraiment d’être pour lui une épreuve des plus délicates. On peut faire marcher des commissaires de police, même de braves gendarmes fort étonnés d’être employés à de pareilles campagnes ; on ne fait pas encore marcher la magistrature, fût-ce les chefs de parquet qu’on a nommés, et certes un des résultats les plus significatifs, les plus sérieux des décrets du 29 mars, c’est le mouvement de démissions qui vient de se produire dans l’ordre judiciaire. Ce mouvement, d’une évidente spontanéité, a pris en quelques jours une telle étendue, une telle gravité qu’il peut réellement passer pour l’expression aussi digne que mesurée des sentimens intimes de la magistrature française. De toutes parts, dans les plus petits sièges comme dans les plus grandes villes, à tous les degrés de la hiérarchie, des membres du parquet n’ont pas hésité à se retirer de la carrière, et ils l’ont fait, non en hommes recherchant le bruit et une occasion d’opposition, mais en magistrats animés du sentiment du droit, déclinant une mission d’arbitraire. — Ce n’est pas tout : ces questions de domicile, de liberté, de propriété, si imprudemment soulevées, sont soumises à une multitude de tribunaux, et la plupart des arrêts qui ont été déjà rendus révèlent autant de fermeté que de prudence. Là où il y a une disposition évidente armant l’administration, comme en ce qui touche les chapelles soumises à des règlemens de police, le juge se dessaisit de lui-même ; là où il s’agit de propriété, de domicile, il n’hésite pas à retenir l’affaire, à proclamer sa compétence. Ce n’est rien, disent les loustics : le tribunal des conflits en finira avec