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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/786

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du théâtre ne peut être mise en doute. La petite biographie de Diogène de Laërte lui attribue des mémoires dont l’authenticité lui paraît attestée pour la plupart par des notes marginales de l’auteur, et qui traitaient de la nature, de la médecine, formaient des recueils de sentences morales. Sans accorder trop de valeur à ce témoignage, ni le soumettre à une discussion approfondie, remarquons qu’il est difficile de penser, ou que des extraits de ses comédies aient suffi à remplir ces mémoires sur des sujets divers, ou que ces mémoires aient été mis sous son nom, si le faussaire ne s’était senti soutenu soit par l’existence d’écrits analogues d’Épicharme, soit par une opinion bien établie sur sa compétence en ces matières.

C’était donc une croyance répandue dans l’antiquité que le poète syracusain s’était occupé de tous ces sujets de manière à y laisser sa trace. Il était philosophe et moraliste ; il passait aussi pour avoir écrit sur la médecine ; Pline et Columelle le citent. Cela n’a rien de surprenant : il était de Cos, île consacrée tout entière à Esculape, où fleurissait une famille d’Asclépiades, où naquit Hippocrate, et des prescriptions médicales faisaient partie de la doctrine de Pythagore. Enfin on croyait qu’il avait composé un poème sur l’agriculture ; c’est ce que prouvent des vers où Stace lui assigne les mêmes droits qu’Hésiode à la reconnaissance des cultivateurs :

… Quantumque pios ditarit agrestes
Ascraeus Siculusque senex.

Était-ce sous l’intelligente inspiration d’Hiéron, comme Virgile sous celle de Mécène et d’Auguste, qu’il aidait ainsi à diriger le goût public vers les travaux de la campagne ? Plutarque nous dit en effet que Hiéron, après son frère Gélon, développa l’agriculture et en fit un moyen politique de moralisation. Faut-il croire plutôt qu’Épicharme céda seulement à l’attrait qu’exerça sur lui la riche nature de la Sicile et à un désir personnel de contribuer à l’instruction et au bien-être des heureux possesseurs de ces belles campagnes ? C’était encore se montrer fidèle à la tradition pythagoricienne, celle que devait suivre avec éclat Empédocle, quand des travaux entrepris sur ses conseils rendaient la santé aux habitans de Sélinonte empestés par des marais, ou protégeaient une autre ville contre des vents pernicieux, et que par son intelligence des phénomènes naturels il devenait un des bienfaiteurs de la Sicile.

Quelle que soit la valeur de ces deux hypothèses, Épicharme n’en reste pas moins un des plus frappans exemples de cette ardeur qui entraînait alors les esprits sérieux vers l’étude féconde de la phi-