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UN POÈTE COMIQUE PHILOSOPHE.

du modèle grec. La rapidité de Plaute, nous sommes déjà embarrassés pour la définir. C’est sans doute ce mouvement extérieur, cette agitation des personnages qui faisait ranger la plupart de ses pièces dans la catégorie que l’on désignait sous le nom de motoriæ ; c’est aussi le mouvement, la verve entraînante du dialogue : lequel de ces deux caractères rapprochait le poète latin d’Épicharme ? Telle est l’incertitude qui nous arrête dans l’interprétation de l’unique témoignage qui nous vienne de l’antiquité. Le plus sage est d’y rester, sans prétendre affirmer dans l’inconnu.

Ne négligeons pas cependant un indice qui peut donner lieu à une hypothèse, sinon sur la composition intime, du moins sur la structure extérieure des comédies d’Épicharme. On trouve dans les collections un assez grand nombre de vases, originaires de l’Attique et de la Grande-Grèce, dont les peintures paraissent avoir emprunté leurs sujets à des drames satiriques ou à des scènes comiques de mythologie dans le goût dorien. Tel est le vase souvent cité de la Vaticane où sont représentés les Amours de Jupiter et d’Alcmène. Le dieu, coiffé du modius comme Sérapis et portant un masque barbu peint en blanc, tient une échelle, tandis qu’un Mercure ventru et vêtu en esclave comme le faux Sosie de l’Amphitryon, l’éclaire avec un falot et qu’Alcmène se montre à la fenêtre. Les aventures d’Hercule avec les Pygmées ou les Cercopes, celle de Taras, le héros éponyme de Tarente, sur son dauphin, étaient de même parodiées. Parmi ces peintures de vases, un certain nombre se rapportent à un sujet traité par Épicharme dans sa comédie intitulée les Cômastes, ou Héphæstos. Elles représentent le retour d’Héphæstos ou Vulcain dans l’Olympe, où il est ramené par Bacchus. Il avait abandonné le séjour des dieux à la suite des querelles et des ennuis qu’il s’était attirés pour avoir, sans doute par l’ordre de Jupiter, retenu sa mère Junon comme enchaînée sur un siège magique. Cette première légende est figurée sur le vase de Bari, conservé aujourd’hui au British Museum, et nous savons qu’il en était question dans la pièce d’Épicharme. Bientôt les habitans de l’Olympe regrettèrent l’absence de Vulcain ; leurs banquets ne pouvaient se passer du joyeux suppléant de Ganymède, qui savait si bien au besoin y faire renaître la gaîté. On députa donc vers lui à Lemnos Bacchus, qui l’enivra et le ramena en pompe dans l’Olympe. Tel est le petit mythe, si favorable à la comédie, dont les peintres de vases aimaient à reproduire le dénoûment. Une de leurs œuvres est particulièrement intéressante pour nous. Elle se compose de quatre personnages qui ont chacun leur nom inscrit au-dessus de la tête : le satyre Marsyas, jouant de la double flûte, ouvre la marche ; à sa suite viennent une bacchante, en proie à l’exaltation dionysiaque, la