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services dont la concurrence s’empare immédiatement. Questions théoriques mais pratiques aussi. La justice veut qu’on les résolve, les intérêts l’exigent avec leur âpreté habituelle. Le bon sens aiguisé de subtilité de M. Renouard se joue dans ces questions ; sa pénétration sûre, son rare discernement, s’y déploient avec avantage. C’est là pour lui déjà une occasion de tenter ces rapprochemens du juste et de l’utile qui ont aussi leur casuistique ; car il y a ici fort à distinguer.

A combien d’autres problèmes donne également lieu la propriété littéraire, laquelle ne se confond pas nécessairement avec les droits de l’invention ! L’auteur a dû se demander si un livre est assimilable à la machine à vapeur ou à l’invention du gaz ; si la part de la personnalité n’est pas là encore plus sensible, ne fût-ce que par l’agencement des parties ; si telle découverte ne ressemble pas au mot de l’énigme cherchée, que plusieurs, éclairés d’une lueur subite, semblent crier d’une même voix, tandis qu’au contraire le plus pauvre roman est toujours combiné et disposé par tel individu, si bien que la sottise même a ici un caractère de personnalité individuelle qui lui assure la propriété de ses œuvres plus clairement que le génie n’assure des droits dans le domaine de la découverte. Voilà bien des points de droit entre beaucoup d’autres. Que sera-ce lorsqu’il s’agira de déterminer les garanties ? Traiter de pareilles questions, encore si neuves, était bien digne d’un jurisconsulte sorti, comme dit Cicéron, ex oflicina philosophorum, qui déclarait son horreur pour les lieux-communs de la science toute faite, et annonçait clairement qu’il voulait marcher en avant. Le succès durable de telles œuvres, malgré les changemens de la législation, montre assez quelle en est la valeur intrinsèque. En tel genre de mérite fait, nous le savons d’ailleurs, peu de bruit dans le monde. Un vaudeville crée à son auteur en une soirée plus de notoriété ; le public qu’il a fait rire pendant une heure le paie non-seulement en renommée populaire, mais même en une autre monnaie, beaucoup plus que ces graves penseurs qui s’épuisent à débrouiller dans leur cabinet des vérités dont tout le monde tirera pourtant, lorsqu’il s’agira de leurs applications pratiques, un profit réel et durable. Une élite seule leur accorde une rémunération toute morale, l’estime. Cela même n’est-il pas encore un cas particulier dans l’appréciation économique des œuvres de l’esprit ? Il est trop clair qu’en pareille matière le prix n’est pas toujours en rapport avec le mérite du produit.

Nous n’avons pas à entrer dans le détail de ces travaux remarquables. On peut laisser aux jurisconsultes la tâche de rechercher ce qui appartient là en propre à M. Renouard, comme ce qui mérite de survivre. Ils trouveront là, outre ces données premières sur