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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/877

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principe qu’on ne peut ni comprendre, ni définir, comme dans la théologie indoue, ou puissance invisible qu’il est interdit de figurer par aucune image, comme dans le judaïsme et l’islamisme, ou esprit pur qu’on ne peut représenter que dans son Verbe incarné.

Le positivisme pourrait objecter à cette démonstration que le dieu de toutes ces théologies, encore qu’il ne soit pas susceptible d’une représentation anthropomorphique, comme les dieux de la mythologie grecque, n’en est pas moins un être individuel, et qu’à ce titre il rentre dans sa définition. A quoi il suffirait de répliquer que, s’il en est ainsi, il n’est plus possible de distinguer la théologie de la métaphysique, celle-ci concevant au moins, dans le plus grand nombre de ses écoles, le principe des choses comme un être personnel, avec tous les attributs métaphysiques qui l’élèvent à une distance infinie au-dessus de la nature et de l’humanité. Il s’ensuit que, pour pouvoir s’appliquer exclusivement à la théologie, il faut que la définition de l’école en néglige tout ce qui touche à la théodicée proprement dite ; ce que l’histoire lui permet d’autant moins de faire que la théodicée est précisément la partie supérieure et comme le sommet de la métaphysique.


III

Voilà donc la formule positiviste contredite par l’histoire, en ce qui concerne le premier terme, l’état théologique : la définition de la théologie ne comprend point tout l’objet défini. Si maintenant l’on soumet à la même épreuve le second terme de cette formule, l’état métaphysique, on verra que la définition de ce genre de spéculation répond moins encore à la règle de logique qui vient d’être énoncée. A lire cette définition, il semble vraiment que l’école positiviste ne connaisse d’autre métaphysique que celle du moyen âge. « Dans l’état métaphysique, dit Auguste Comte, les agens surnaturels sont remplacés par des forces abstraites, véritables entités (abstractions personnifiées) inhérentes aux divers êtres du monde, et conçues comme capables d’engendrer par elles-mêmes tous les phénomènes observés dont l’explication consiste alors à assigner pour chacun l’entité correspondante[1]. » Est-ce assez de dire que la métaphysique a pour objet l’absolu, et pour méthode de convertir en entités ces idées de loi, de cause, de force, de substance, de puissance naturelle et morale dont la théologie

  1. Ire leçon.