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droite, — le cidaris, — est la coiffure des souverains. Darius A posé sur son front le cidaris et le riche diadème, dans lequel l’azur et le blanc s’entrelacent. Pour gardes à ses côtés il a placé sa meilleure noblesse, ceux qui lui tiennent de plus près par le sang. Ces gardes sont au nombre de 200 environ. Derrière le char royal sont rangés les 10,000 hastaires. Le bois des piques est garni d’argent, le fer de lance est remplacé par une pointe d’or. 30,000 hommes de pied, masse profonde et compacte, ferment la marche. Un intervalle de 200 mètres environ sépare l’armée des combattans de l’armée préposée à la garde des bagages. Dans cette seconde armée vous trouverez le char qui porte Sisygambis, la mère de Darius, et un autre char destiné à transporter Statira, son épouse. Les femmes qui accompagnent les deux princesses sont à cheval. Quinze arabas contiennent les enfans du roi, leurs précepteurs et la troupe des eunuques ; 360 concubines, — à l’éclat qui les environne, on les prendrait pour autant de reines, — remplissent aussi de nombreux chariots ; 600 mules et 300 chameaux, avec leur escorte d’archers, ont reçu pour fardeau le trésor royal. Est-ce tout ? Non ! il faut encore des chars pour les harems des seigneurs de la cour, des chars pour les valets, des chars pour les porteurs d’eau et pour les esclaves qui fendent le bois. Une armée asiatique, nous l’avons déjà dit, ne saurait se déplacer à moindres frais. La compagnie des Indes, à l’époque où Victor Jacquemont visitait le Bengale, se trouvait en mesure démettre 300,000 hommes en campagne, mais c’était à la condition de les faire accompagner par 3,000 éléphans et par 40,000 chameaux. Le bagage seul de lord Bentinck employait 103 éléphans, 1,300 chameaux et 800 chars à bœufs. Qu’on juge par l’étendue de ces immenses cortèges, dont il est difficile de rien retrancher, de ce que dut être le convoi de Darius. Les détachemens l’un après l’autre se succèdent ; le dernier soldat enfin a passé ; il a passé quand la nuit est déjà venue et, suivant la coutume invariable des Perses, l’armée s’était mise en marche au lever du soleil.

J’ai fait l’épreuve moi-même des incroyables charges qu’impose à une armée l’impossibilité de vivre sur le pays qu’elle traverse. 3,000 animaux de bât pour une colonne expéditionnaire de 7,000 hommes, c’est déjà quelque chose ; il en fallut 18,000 à l’armée de Crimée pour nourrir l’unique division qui, après la prise de la tour Malakof, alla occuper la vallée de Baïdar. En revanche, je suis revenu d’Orizaba au port de Vera-Gruz avec une escorte improvisée qui n’avait besoin ni d’un chariot, ni d’une mule. Quand cette escorte trouvait les puits taris, elle se résignait et ne proférait pas un murmure. On a vu les soldats de la république marcher