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Quelques mois après, nouvelle expédition française, un peu plus importante, mais encore insuffisante. Un vaisseau de 74, le Hoche, partit de Brest avec huit frégates et trois mille hommes de débarquement, sous le commandement du général Hardy. Wolfe Tone était à bord. L’escadre arriva le 11 octobre dans la baie de Killala. Elle fut attaquée immédiatement par le commodore Warren. Ce fut un désastre pour la marine française. Deux frégates seulement parvinrent à s’échapper. Tout le reste fut pris. Wolfe Tone, reconnu, fut conduit en prison. Voulant éviter l’humiliation de mourir sur le gibet, il demanda instamment la faveur d’être passé par les armes. On la lui refusa. Il parvint à se procurer un petit canif, et avec une incroyable énergie il se coupa la gorge dans sa prison. Après ce dernier échec, la France renonça à toute idée d’expédition en Irlande. L’insurrection d’ailleurs était écrasée, ses chefs morts ou en fuite, ses soldats découragés et terrifiés.


III

Le danger que la domination anglaise venait de courir en Irlande décida Pitt à s’occuper des affaires de ce pays d’une manière plus sérieuse et plus suivie qu’il ne l’avait fait jusqu’alors. Deux grandes mesures se présentèrent à son esprit comme faites pour prévenir de nouvelles tentatives d’insurrection ou du moins pour les rendre moins périlleuses. Tout d’abord il lui parut nécessaire, non-seulement d’enlever à l’Irlande l’autonomie législative que Grattan lui avait fait accorder en 1782, mais même de supprimer le parlement irlandais, ou plus exactement de le fondre dans le parlement anglais. En second lieu, il se proposait de reprendre et de mener à bonne fin la grosse question de l’émancipation des catholiques. Lord Cornwallis lui conseilla de résoudre en même temps les deux questions, de manière que l’émancipation des catholiques aurait été la compensation et en quelque sorte l’indemnité accordée à l’Irlande pour la suppression de son parlement local. Lord Clare, toujours peu favorable aux réformes libérales, combattit vivement cette idée. Pitt l’écarta, parce qu’il croyait plus facile de résoudre cette question dans le futur parlement-uni que dans le parlement irlandais, et peut être aussi parce qu’il craignait de se heurter aux résistances du roi.

Il fut donc décidé que l’on commencerait par s’occuper exclusivement de l’union législative entre l’Angleterre et l’Irlande. Cette seule question ne laissait pas de soulever d’assez grosses