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Malheureusement la légende, interrompue par une cassure de la pierre, ne nous permet pas de le dire avec assurance. M. Mariette croit néanmoins que c’est Menephtah, le fils de Ramsès II, et le pharaon qui a péri dans la Mer-Rouge. Ici, comme pour la reine Taïa, qu’il soit permis à l’imagination de venir quelque peu en aide à l’histoire ! Il y a dans la physionomie de ce roi inconnu un je ne sais quoi de doux et de triste qui convient, en effet, au Pharaon que Moïse sut attendrir, mais qui, trop faible et trop hésitant pour persévérer dans sa résolution généreuse, eut le tort de se repentir et en fut si cruellement puni. Tous les malheurs de son règne, les fameuses plaies de l’Égypte, le dénoûment terrible pour les Égyptiens de l’épisode de la fuite des Hébreux, semblent d’avance, comme une sorte de fatalité, marquer de leur empreinte le front pur et les lèvres doucement ironiques de Menephtah. Peut-être cependant cette expression d’inquiétude candide, tempérée par un demi-sourire, ne convient-elle pas très exactement à l’idée un peu farouche que la Bible nous donne du pharaon d’Égypte. Il fallait toute la dureté de cœur de la race juive, toute son âpreté de caractère, toute sa vigueur de haine pour applaudir par de sauvages cantiques, enflammés de la plus ardente vengeance, à la catastrophe d’un prince aussi charmant périssant sous les flots soulevés de la Mer-Rouge. En face du buste du musée de Boulaq, on est pour Menephtah contre les Hébreux, et l’on ne peut s’empêcher de trouver que Jehovah s’est montré bien brutal ! Le buste de Ramsès II, qui fait pendant à celui Menephtah, n’est pas moins remarquable comme œuvre d’art ; il est également en granit ; les lignes en ont une finesse et une pureté très rares dans les œuvres égyptiennes. Toutmès III, Ramsès II, Menephtah et Taïa occupent le fond d’une même salle où ils forment une bien courte, mais bien brillante galerie de portraits historiques.

Il serait trop long de continuer à énumérer les pièces curieuses, quoique secondaires, du musée de Boulaq. La plupart d’ailleurs sont assez connues pour qu’il n’y ait pas d’intérêt à en parler de nouveau. C’est ainsi que les bijoux de la reine Hah-Hotep ont déjà fait l’objet des descriptions les plus nombreuses, les plus variées et les plus détaillées. Il n’y a rien à dire des scarabées, qui n’ont réellement de valeur que lorsqu’ils contiennent, comme celui qui concerne la reine Taïa, quelque information historique ; ils se bornent en général à nous offrir d’innombrables emblèmes d’immortalité. Je suis trop incompétent pour essayer d’indiquer l’importance des papyrus du musée de Boulaq. Quelques-uns, d’une rare conservation, sont ornés de vignettes diversement coloriées, exécutées avec une perfection telle qu’on pense involontairement, en les regardant, à la décoration de nos missels du moyen âge. Le