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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/191

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panthéon égyptien est représenté à Boulaq par une immense collection de dieux, de déesses, de triades divines et d’animaux sacrés, en bronze, en granit, en porphyre, en bois, en porcelaine, qui peuvent donner une idée complète non-seulement de la religion, mais de l’industrie des Égyptiens. Il est impossible de pousser plus loin la partie technique, ce qui dans l’art constitue proprement le métier. Telle petite statuette en bronze d’Amnon est dans son genre un vrai chef-d’œuvre ; tel objet votif est émaillé avec une habileté qui a été égalée, mais qui n’a certainement pas été dépassée. Nous manquons de notions exactes sur les procédés qu’employaient les Égyptiens dans leurs travaux d’art ; leurs outils ne sont point parvenus jusqu’à nous. Cependant le musée de Boulaq nous fournit un certain nombre de statues inachevées où l’on saisit la trace de la main de l’ouvrier ; on y voit aussi des moules représentant des animaux et des motifs décoratifs ; ils ont été confiés à la manufacture de Sèvres, qui en a tiré des produits d’une rare finesse. Les bustes de pharaons abondent, ils se ressemblent tous et représentent en quelque sorte le type de la royauté ; on envoyait sans doute ces images emblématiques dans les provinces comme on envoie dans nos départemens celle de la république.

Je n’en finirais plus si je restais plus longtemps au milieu des bibelots qui forment la partie populaire, attractive du musée. Il me faudrait plusieurs pages pour décrire, par exemple, une délicieuse statuette en bois représentant une nageuse d’une chasteté étonnante, quoiqu’elle soit uniquement vêtue des lourdes tresses qui couvrent sa tête ; elle fend l’eau avec une raideur qui n’est pas sans grâce, et puisque je suis en veine de suppositions, rien ne m’empêche d’imaginer qu’elle nous offre l’image d’une des suivantes de la fille de Pharaon allant délivrer Moïse de son berceau flottant. Je me garde bien d’ouvrir le catalogue de peur d’être détrompé, en apprenant que ce joli morceau de sculpture est antérieur ou postérieur à Moïse et à son berceau ! Tout à côté, dans une autre vitrine, comment ne pas s’arrêter un instant à un petit monument décoratif qui ornait sans doute la sépulture d’un fonctionnaire de haut rang ? Le monument se compose de deux parties : la première est une enveloppe en beau calcaire jaunâtre ayant la forme d’un sarcophage ; sur le couvercle se lit une invocation à Osiris et à Anubis pour qu’ils accordent au défunt tous les biens célestes ; à la tête de la cuve, Isis, les bras levés, est accroupie sur le signe de l’or, symbole religieux ; Nephthys occupe les pieds ; sur les flancs, Anubis et Aperou, assistés des quatre génies des morts, écoutent les prières qui leur sont adressées en faveur du personnage auquel le monument est dédié. La gravure de ce sarcophage en. miniature est d’une élégance, d’une largeur et d’une netteté exquises. Par malheur, le