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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/239

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Le mieux aujourd’hui est de le réduire à sa petite et éphémère importance dans l’ensemble des rapports de deux nations que les brouillons seuls s’efforcent de désunir, qui se rapprochent par tous leurs intérêts, par toutes leurs traditions. Assurément ce n’est pas pour le chemin de fer de la compagnie Rubattino que la vieille alliance de l’Italie et de la France peut se refroidir. — Il en est de cet incident de Tunis comme des polémiques allemandes, même, si l’on veut, comme des affaires du Monténégro et de la Grèce, qui ont pourtant une autre gravité : ce sont des nuages plus ou moins gros, plus ou moins lourds, qui passent à l’horizon, qui se dissiperont, il faut le croire, devant ce sentiment qui règne un peu partout aujourd’hui, qui est si visiblement favorable à la paix.

Les fêtes sont les diversions heureuses des peuples qui éprouvent le besoin d’oublier un instant leurs embarras ou leurs affaires, de détourner leur regard des nuages, et ces fêtes, quand elles répondent à un sentiment sincère, ne laissent pas d’avoir leur intérêt, même un intérêt politique. Depuis quelques jours, à Vienne et à Bruxelles, tout a été à la joie. Les Autrichiens ont célébré le cinquantième anniversaire de la naissance de l’empereur François-Joseph, et cet anniversaire, ils l’ont fêté avec un abandon particulier, comme pour mieux prouver, dans les circonstances présentes, leur fidélité, leur attachement à la vieille dynastie de Habsbourg. C’est qu’en effet, en Autriche plus que partout, la maison régnante reste la personnification incontestée de la tradition nationale, de l’état. Seule elle est le lien de ces royaumes, de ces peuples divers de race, d’esprit, de religion, qui forment l’empire ; elle est la médiatrice permanente et souveraine. De plus, cet empereur qu’on vient de fêter peut apparaître aux yeux des Autrichiens comme une image expressive de leur destinée contemporaine. Il y a plus de trente ans déjà qu’il montait sur un trône branlant au milieu des déchaîne-mens de la guerre et des révolutions. Aujourd’hui il représente un long règne pendant lequel l’Autriche a passé par bien des crises où plus d’une fois elle a failli s’abîmer. Depuis 1848, l’Autriche a essuyé des défaites sans avoir toujours cherché la guerre ; elle a perdu l’Italie, elle a perdu la prépondérance en Allemagne, elle a été exclue de l’Allemagne. Tout ce qu’on peut dire, c’est que, ces épreuves souvent imméritées, l’empereur François-Joseph les a soutenues en patriote, partageant de cœur les infortunes de son pays, attentif à les réparer, réconciliant la Hongrie, libéralisant les institutions de l’Autriche, associant les peuples de l’empire à leur gouvernement, entrant, en un mot, dans une ère nouvelle sous le coup du malheur, sans illusion peut-être comme aussi sans arrière-pensée, sans se refuser à aucune concession utile. C’est tout cela que les Viennois ont fêté en lui, montrant leur empressement autour d’un souverain de bonne volonté, voyant dans un passé déjà