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long un gage d’avenir. Certainement l’Autriche, après tant de secousses et de dangers, s’est fait une situation jusqu’à un certain point nouvelle ; elle a su s’assurer quelques avantages et profiter des circonstances. La voilà prenant de plus en plus un rôle actif en Orient, occupant la Bosnie et l’Herzégovine, engagée au premier rang par la position avancée qu’elle a prise vis-à-vis de la Russie, et soutenue, peut-être accablée par l’alliance de l’Allemagne, qui la presse, qui la domine en l’appuyant. Que l’Autriche, dans cette voie nouvelle, où elle marche avec plus de circonspection que d’entraînement, soit à l’abri de difficultés graves, de dangers extérieurs ou intérieurs, qu’elle soit au bout des épreuves, tous les Autrichiens éclairés n’en sont peut-être pas absolument persuadés ; mais c’est l’heureuse fortune du récent anniversaire impérial d’avoir réuni un moment tous les partis dans un même sentiment de loyauté affectueuse.

La Belgique, moins grande que l’empire autrichien, a cet avantage en politique d’être neutre au milieu de l’Europe et de ne compter que des Belges, de n’avoir ni à se préoccuper de l’Orient, ni à tenir la balance entre les Slaves et les Allemands, entre les Hongrois et les Cisleithans, entre les constitutionnels et les fédéralistes. Elle a cette originalité dans ses fêtes patriotiques et populaires de se livrer sans contrainte à toute l’expansion de la joie flamande, à ce que M. Taine appelle son goût « pour les kermesses, les dédiés de corporations et l’étalage des costumes. » Cavalcades innombrables, cortège aux lumières, spectacles, banquets, fêtes provinciales et communales, rien n’a manqué depuis quelques jours pour le plaisir de la Belgique. Bruxelles a vu surtout défiler un cortège immense, magnifique, résumant l’histoire belge par des séries de groupes : représentation des vieilles communes de la Belgique, représentation de l’époque provinciale avec les chevaliers de la toison d’or, cortège de Marie-Thérèse, la Belgique moderne avec Léopold Ier, l’agriculture avec les pâtres du Luxembourg, l’industrie avec les armuriers de Liège, le commerce et les métiers, les arts et les lettres. A tout cela se mêlent chaque jour les manifestations, les expositions et un congrès international de l’enseignement.

Ce que la Belgique a fêté, ce qu’elle fête encore avec une expansion joyeuse, c’est sans doute son roi, sa dynastie profondément identifiée avec la nation ; mais c’est surtout l’anniversaire du jour qui l’a faite libre, c’est la cinquantaine de son indépendance. On avait craint un instant que, par suite de la guerre violente des partis et de la rupture récente du cabinet de Bruxelles avec le Vatican, les catholiques ne voulussent s’abstenir, et des esprits emportés avaient, en effet, essayé de prêcher l’abstention. Il n’en a fort heureusement rien été. A la veille de l’anniversaire, les chefs parlementaires du parti, M. d’Anethan dans le sénat, M. Malou dans la chambre des représentans, ont fait à peu