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A la fin du IIIe siècle de notre ère, les Saxons étaient déjà la terreur des provinces maritimes de la Gaule, que protégeait imparfaitement l’autorité romaine. A l’exemple de la plupart des tribus germaniques qui se coalisaient sans cesse les unes avec les autres pour tenter des coups de main et envahir de nouveaux territoires, les Saxons s’unissaient volontiers à leurs voisins du Jutland, du Slesvig et de la Frise, à savoir aux Angles, aux Jutes, aux Frisons, familiarisés comme eux avec la navigation, et leurs flottilles armées en course opéraient des débarquemens sur le littoral mal défendu de l’empire romain. Leurs embarcations légères, conduites comme celles des Suions à l’aviron et à la gaffe, étaient pourvues d’une double proue qui leur permettait d’aborder par l’avant et par l’arrière et de pénétrer aisément dans les estuaires où ces pirates formaient souvent des établissemens permanens destinés à leur servir de refuge et de place de ravitaillement. Ils remontaient les fleuves pour faire à l’intérieur de véritables razzias. Le butin enlevé, ils sautaient dans leurs barques et se hâtaient de gagner les asiles de la côte, d’où ils reprenaient la pleine mer pour rentrer avec leurs prises dans leur patrie. Ces Saxons et leurs congénères, livrés à cette vie de corsaires, étaient devenus des marins consommés. « Les tempêtes, écrit l’évêque de Clermont, Sidoine Apollinaire, qui nous trace au Ve siècle un curieux tableau de ces hommes redoutés, loin de les épouvanter, stimulent leur audace ; faits à la fureur de la mer, ils conservent au milieu des flots et des écueils la confiance que leur a donnée l’habileté avec laquelle ils se tirent des périls de l’Océan. »

Quand les populations qui menaient ce genre de vie se furent emparées de diverses provinces situées à l’intérieur de la Germanie et d’une partie de la Grande-Bretagne, et qu’en possession d’un sol fertile, elles eurent pris des habitudes plus sédentaires, elles furent remplacées sur les mers par d’autres venues de la Scandinavie et qui héritèrent de leurs habitudes de déprédation, de leur façon d’agir à l’égard des pays qu’ils infestaient. Du Danemark, de la Norvège, de la Suède méridionale partirent de nouveaux corsaires qui infligèrent aux descendans de ceux qui leur avaient ouvert la voie ces mêmes dévastations et ces mêmes débarquemens inopinés dont étaient coutumiers leurs ancêtres.

Ces nouveaux coureurs des mers étaient simplement désignés par ceux qu’ils venaient sans cesse surprendre au milieu de leurs tranquilles occupations sous le nom de Nordmands ou Normands, c’est-à-dire d’hommes du Nord, qu’ils se donnaient à eux-mêmes. Les premiers succès de leurs expéditions de pirates ne tardèrent pas à les rendre plus redoutables encore que ne l’avaient été leurs prédécesseurs, les Saxons, et ils poussèrent beaucoup plus loin