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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/250

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où même peu d’entre eux s’étaient aventurés, et, étrangers aux idiomes qu’on y parlait, ils n’avaient pu en tirer que des renseignemens vagues et confus sur la région sise plus au nord. Ils savaient seulement que c’était de la presqu’île ou chersonèse que nous appelons aujourd’hui le Jutland, qu’étaient sortis ces terribles Cimbres qui envahirent la Gaule, dont l’apparition inopinée inspira l’effroi à l’Italie et que Marius écrasa au moment où ils allaient y pénétrer. Les Romains avaient appris qu’au voisinage de la Chersonèse cimbrique existaient de grandes îles qu’ils ont désignées par le nom de Scandia, appliqué plus spécialement à la plus étendue ou plutôt à la partie méridionale de la Suède, qu’ils supposaient environnée de tous côtés par les eaux. Tacite, dans son livre sur les Mœurs des Germains, parle des nations qu’on rencontrait dans ces parages, et ce qu’il en dit prouve que l’on gardait de son temps le souvenir de quelques-uns des changemens qui s’étaient opérés dans la distribution des diverses populations du nord de l’Europe. Les Cimbres n’étaient plus qu’une peuplade sans importance et dont le nom seul était resté grand, parva nunc civitas sed gloria ingens, dit l’historien latin. En revanche, les Suions, qui habitaient au nord et à l’est des Cimbres, sans doute dans la partie méridionale de la Suède, et confinaient aux Sithons, tribu plus septentrionale, s’étaient rendus redoutables par leurs armes sur terre et sur mer, et ce qu’en rapporte Tacite donne à croire qu’ils avaient déjà atteint un certain degré de civilisation. Loin de vivre, comme plusieurs des tribus de la Germanie, dans la malpropreté et le dénûment, ils prisaient fort les richesses. Ils avaient de nombreuses embarcations qui sillonnaient la mer Baltique et la mer du Nord. Au IIe siècle de notre ère, le géographe Ptolémée nous apporte quelques indications de plus sur les contrées septentrionales de l’Europe et sur les populations qu’on y rencontrait, sans nous apprendre cependant rien de particulier touchant l’île de Scandia, appelée ensuite Scandinovia, et d’où est dérivé le nom de la race qui s’y était établie, les Scandinaves, reconnaissables à leur langue pour une des branches sorties de la puissante souche indo-germanique. Les Romains n’osèrent point s’avancer au-delà de la Baltique, car ils n’avaient point tenté de soumettre les tribus qui occupaient le Mecklembourg et la Poméranie actuelle, les Vindes ou Venèdes, et celles qui s’étendaient plus à l’ouest des bouches de la Trave à celles de l’Elbe et du Weser, les Saxons. Tandis que les Vindes étaient surtout une nation continentale, les Saxons formaient une population maritime. Comme les Suions dont parle Tacite, ils avaient de nombreux navires, et leurs incursions ne tardèrent pas à être aussi redoutées dans les parages septentrionaux que l’avaient été dans la Méditerranée celles des pirates ciliciens.