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redevable de nombreuses publications, Depping, auteur d’une Histoire des expéditions maritimes des Normands, que couronna, il y a plus de cinquante ans, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et qui a été fort amélioré dans une seconde édition.

Les invasions des Normands remplissent les annales du règne de Charles le Chauve et de ses successeurs immédiats. C’était à cette époque la grande préoccupation des populations de la Gaule, désormais francisée, et rien n’était plus propre à assurer à un capitaine de l’importance et de la popularité que d’avoir repoussé avec succès en diverses rencontres les terribles corsaires. C’est ainsi que s’illustra Robert le Fort, ce comte d’Anjou, qui tint maintes fois tête aux pirates normands arrivés par la Loire, une des grandes artères fluviales, à l’embouchure desquelles ils s’étaient solidement établis. Robert le Fort se fit de la sorte le libérateur de son pays et il inspira pour sa famille une reconnaissance qui valut le trône à sa descendance. En revanche, ceux qui en présence des envahisseurs poussèrent la prudence jusqu’à la pusillanimité ont attaché à leur mémoire une note d’infamie. Quand pour la seconde fois, — c’était à la fin de l’année 885, — les Normands vinrent assiéger Paris, qui se défendit héroïquement, Charles le Gros, en proie à la plus extrême frayeur, ne songea qu’à capituler et livra la Bourgogne aux fureurs des hommes du Nord. Cette conduite de l’empereur lui valut le mépris de ses sujets, qui le déposèrent. Les Francs élurent à sa place un nouveau chef, et ce chef, c’était le fils de Robert le Fort, qui marcha résolument contre les Normands et sauva Paris d’une seconde attaque. Tout le monde sait comment, après une invasion de la Neustrie, Rollon, le chef le plus redouté des Normands, obtint en 911, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, sous la suzeraineté du roi de France, la possession de cette province, qui prit le nom de ses nouveaux maîtres. L’établissement des Normands en Neustrie empêcha les invasions de se continuer. Devenus habitans du littoral de la Manche, les Franco-Normands eurent intérêt à mettre un terme aux ravages de leurs frères du Nord, et, subissant la bienfaisante influence du christianisme et du contact avec une société encore imprégnée de la tradition romaine, ils marchèrent rapidement dans les voies de la civilisation. Loin de n’avoir été que de maladroits et tardifs imitateurs des mœurs latines, les Normands de la Neustrie se placèrent promptement à la tête de la société dans laquelle ils étaient entrés, et le génie français porta bientôt dans cette province quelques uns de ses meilleurs fruits. C’est là un fait qui peut paraître étrange quand on ne voit dans les Normands qu’un ramassis de pirates débarquant sur nos côtes pour porter partout le feu et la flamme et dépouiller sans merci ceux qu’ils rencontraient, ainsi que nous les dépeignent les