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bâtimens à la destination de la Russie ; Bornholm, que sa situation avancée à l’est prédestinait à devenir un entrepôt des marchandises apportées d’Asie ; Birka et Sigtun sur le lac Mælar. Nous n’avons pas, il est vrai, des témoignages du même genre pour établir que les Scandinaves aient fait un trafic aussi étendu avec les contrées occidentales. Si l’on a recueilli en Scandinavie un grand nombre de monnaies anglo-saxonnes qui attestent, au temps de l’heptarchie, un trafic actif entre ces contrées et les Iles Britanniques, on n’y a, en revanche, rencontré que fort peu de monnaies mérovingiennes et carolingiennes, mais l’abondance des monnaies anglo-saxonnes suffit au moins à prouver que ce n’était pas toujours en corsaires que les Danois et les Norvégiens débarquaient sur les côtes d’Albion et de Calédonie, et différens témoignages empruntés aux documens septentrionaux démontrent que la race des Vikings poussait son commerce jusqu’aux lies Færoer, en Irlande, et sur tout le littoral méridional de la mer du Nord. Sans doute les pirates normands durent rançonner parfois les marchands des autres nations, mais en maintes circonstances ils les protégèrent. Les Sagas louent tel héros scandinave pour avoir laissé passer en paix les voyageurs que le trafic conduisait près d’eux. À la fin du IXe siècle, Eric, fils de Harald aux beaux cheveux, roi de Norvège, avait reçu le surnom de Marchand, parce qu’il entretenait des navires qui allaient au loin chercher des denrées. les Scandinaves échangeaient les maigres produits de leur sol et les produits plus abondans de leurs pêches contre les articles qui leur faisaient défaut et que leurs besoins croissans leur rendaient de plus en plus indispensables. Le célèbre roi danois Canut le Grand conclut avec diverses nations des traités de commerce, et tout donne à supposer que ces Normands, qui infestaient nos côtes, trafiquaient là où ils ne pillaient pas : les deux façons d’agir marchant malheureusement, à cette époque, comme dans l’antiquité, souvent de conserve. Le commerce fait par les Scandinaves prit une telle extension que les Danois et les Norvégiens poussèrent leur navigation jusque dans de lointains et périlleux parages, alors d’un accès d’autant plus difficile que la boussole était inconnue. De proche en proche, ils s’avancèrent à l’orient et à l’occident de la Baltique, sans s’effrayer des difficultés de toute nature que l’ignorance de l’hydrographie devait leur opposer presque à chaque pas. D’un côté, ils hantaient les côtes de la Livonie et de l’Esthonie, le golfe de Finlande, que l’on voit visiter par le Norvégien Wulfstan, au temps du roi saxon Alfred le Grand ; de l’autre, ils poussèrent graduellement des Færoer et des Shetland aux Orcades, aux Hébrides et sur les côtes de l’Islande dès une époque assez reculée, car un savant géographe, M. Vivien de