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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/407

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égards. Elle a conté dans ses Mémoires, avec sa naïveté accoutumée, dans quelle colère la jeta l’audace de Madame Royale.

La fille de Gaston avait cinquante-cinq ans et elle n’avait pas su quitter les allures d’héroïne. Telle elle était à vingt-cinq ans, lorsqu’elle prenait des villes pour le compte de la Fronde, telle elle fut jusqu’à sa fin. On a dit qu’elle avait « gardé du panache de son aïeul Henri IV toutes les plumes ; » le mot rend bien ses airs d’amazone, mais d’amazone de grande mine et de haut parage. En 1682, elle était dans les déboires que lui valut la liberté, si chèrement achetée, de Lauzun. Tyrannisée, exploitée, maltraitée en paroles et même autrement, elle avait encore la bonté d’être jalouse et de s’épuiser en efforts pour retenir l’ingrat auprès d’elle. Sur ces entrefaites, elle apprit de Mme de Montespan que M. de Lauzun souhaitait d’aller commander l’armée du roi en Italie et que Madame Royale « en écrivait fort pressamment à Mme de Lafayette. » Voilà Mademoiselle en émoi. Elle s’était doutée que Mme de Lafayette tramait quelque chose où elle était intéressée, car ses gens avaient surpris Lauzun entrant chez la comtesse un jour qu’il avait feint d’être malade pour se dispenser de faire sa cour à Mademoiselle. L’agitation de la pauvre princesse se peint au naturel dans le récit de la scène qu’elle eut avec le perfide. Lauzun essaya d’abord de faire « le fin » et de soutenir qu’il était entré par hasard chez Mme de Lafayette. La voyant mieux instruite qu’il ne l’avait cru, il changea ses batteries, prit l’offensive et lui reprocha de ne savoir rien faire pour lui et de n’être pas seulement obligée aux personnes plus habiles et de meilleure volonté. Mademoiselle eut le cœur gros d’une injustice aussi criante. Le dépit qu’elle éprouvait en y pensant la fait ressouvenir tout à point, dans ce même chapitre, de deux anecdotes des moins glorieuses pour Lauzun ; il en était à se faire donner par elle, bon gré mal gré, des pierreries qu’il vendait publiquement. Elle ne put cependant se résoudre à le laisser partir pour la Savoie, — qui sait quelles vues Madame Royale pouvait avoir sur lui ? — et Mme de Lafayette, qui avait essayé d’emporter la nomination par Mme de Montespan, fut battue.

Elle se releva à l’occasion du mariage du fils de Madame Royale, Victor-Amédée II, avec Mademoiselle d’Orléans, fille du premier lit de Monsieur, frère de Louis XIV. Le mariage devait avoir lieu à Versailles, par procuration, au mois d’avril 1684. L’époque fixée approchait, et la dispense attendue de Rome n’arrivait point ; on craignait d’être obligé de surseoir à la cérémonie. L’ambassadeur de Savoie s’adressa à la comtesse comme à son recours naturel dans les pas difficiles, et elle obtint du cardinal de Bouillon, qui devait