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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/420

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le feu perpétuel des sanctuaires guèbres, ni les idoles grimaçantes des pagodes hindoues, et, si l’édifice montrait dans son ensemble l’austère simplicité des mosquées, son architecture n’offrait aucun des détails qui caractérisent les lieux voués au culte d’Allah. C’est qu’en effet le dieu adoré dans ce temple n’était ni celui des chrétiens, ni celui des guèbres, des Hindous ou des musulmans, c’était le Dieu d’une religion nouvelle qui prétend fondre tous les cultes de l’Inde, sinon du monde entier, dans une synthèse religieuse appuyée des révélations universelles de la conscience et de la raison, — le dieu du brahmaïsme.

La secte ou plutôt l’école religieuse du brahmaïsme est d’origine relativement récente, puisqu’elle vient seulement de célébrer le cinquantième anniversaire de sa fondation par le rajah Ram-Mohun-Roy. Cependant elle compte déjà plus de cent trente congrégations ou somajes, une vingtaine d’organes dans la presse périodique, une cinquantaine de temples disséminés dans toutes les parties de l’Inde, enfin des milliers d’adhérens, parmi lesquels figurent les hommes peut-être les plus distingués de la société indigène. — Les documens ne font pas plus défaut sur ses origines que sur son organisation et sur ses tendances. Comme ses principaux apôtres se sont servis de la plume aussi bien que de la parole pour propager leur doctrine, elle possède déjà toute une littérature philosophique et religieuse, non-seulement dans les différens dialectes indigènes, mais encore en anglais. Il se publie, en outre, plusieurs annuaires spécialement destinés à fournir des renseignemens périodiques sur sa situation tant matérielle que morale. Enfin, en Angleterre même, où l’opinion suit toujours de près les moindres courans de la société hindoue, la presse s’est intéressée depuis longtemps aux progrès d’un mouvement religieux qui rappelle par tant de côtés l’évolution moderne des églises protestantes. Parmi les écrivains britanniques qui ont le plus contribué à mettre ce mouvement en lumière, il faut citer en première ligne miss Sophia Dobson Collet, qui, — outre un des trois annuaires mentionnés plus haut, le Brahma Year-Book, — a publié sur le brahmaïsme plusieurs traités fort estimés : Theism in India (1879), Brahmo Marriages (1871), Historical Sketch of the Brahmo Somaj (1872), etc. Miss Collet, qui fait preuve d’une rare tolérance en matière de convictions religieuses, appartient, de son propre aveu, au christianisme « trinitaire, » mais cette circonstance ne fait qu’ajouter plus de poids à son témoignage en faveur d’un culte qu’elle déclare « combiner une piété évangélique avec une théologie unitaire. »

On a dit que le déisme pouvait convenir à des tempéramens exceptionnels, assez froids pour se contenter d’une vague religiosité et trop idéalistes pour s’en passer, mais qu’il ne pourrait jamais