Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coreligionnaires de rassembler quelques amis dans sa demeure, à portes fermées. Dès qu’ils ont ainsi réuni un premier noyau d’adeptes, ils l’organisent en une congrégation régulière qui s’occupe aussitôt de réunir des fonds pour s’édifier un mandir.

Ce n’est pas que les brahmanes et en général les Hindous orthodoxes n’essaient de leur susciter des obstacles de toute nature. Plus d’une fois, surtout au Bengale, on a vu la populace insulter et disperser les réunions brahmaïstes, envahir même et incendier le local, après avoir maltraité les assistans, comme il est arrivé à Cagmari en 1871. Mais ces violences, qui répugnent aux mœurs hindoues, sont assez rares. L’opposition se manifeste plus fréquemment par une de ces excommunications sociales que la loi est impuissante à prévoir et à réprimer. Il y a quelques années, il se forma dans le Bengale une association dont les membres s’engageaient à rompre toute relation avec les adeptes du brahmaïsme, ceux-ci fussent-ils leurs plus proches parens. Dans certaines localités, on a vu les barbiers, les blanchisseurs, les boutiquiers se mettre en grève contre les brahmaïstes de leur clientèle ; de pareils faits n’ont d’ailleurs rien de particulier à l’Inde, car ils se produisent tous les jours aux dépens des libres penseurs égarés dans les villages catholiques des Flandres belges.

Ces persécutions, directes ou indirectes, ne firent toutefois que favoriser la propagande du brahmaïsme. L’année 1876, il se constitua vingt nouveaux somajes, ce qui porta leur nombre pour toute l’Inde à cent vingt-huit ; sur ce chiffre, soixante et un se trouvaient dans le Bengale. Certaines, villes, comme Bengalore, Allahabad, Cuttack est la colonie française de Chandernagor en possédaient même deux. À Bengalore, des officiers du cantonnement indigène établirent, en outre, un somaj militaire avec une école pour les filles de soldats. À Lahore, la femme du ministre ouvrit un somaj exclusivement féminin, où elle célébrait elle-même le culte. Dans d’autres localités, les femmes ont renoncé, depuis cette époque, à une place séparée pendant les offices, pour se mêler à l’assistance masculine, comme dans les églises chrétiennes.

En général, l’influence exercée par chaque somaj dépend moins du chiffre de ses membres que de leur activité et de leur énergie. Souvent les congrégations, surtout parmi les localités éloignées de la capitale, deviennent des centres de rayonnement qui envoient des missionnaires dans leur voisinage et organisent des écoles de divers degrés, des bibliothèques publiques, des sociétés de secours, etc. Les plus importantes ont généralement un organe dans la presse locale. En 1877, on tenta de réunir à Calcutta, en assemblée générale, les délégués de toutes les congrégations affiliées au Brahma Somaj de l’Inde. Cette réunion se tint le 23 septembre sous la