présidence de Keshub. On y jeta les bases d’une organisation représentative destinée à régir les intérêts communs de l’église. L’assemblée devait se retrouver l’année suivante pour achever ce travail de constitution. Mais c’était compter sans les incidens qui allaient mettre en péril, sinon la cause du brahmaïsme, du moins l’unité de l’église et le prestige de son fondateur. C’est souvent à l’heure de leur plus grande prospérité que les sectes, comme les partis, se trouvent compromis par l’exagération des principes mêmes qui ont fait leur grandeur et leur force.
VI.
À première vue, la théologie du brahmaïsme, en dépit de sa filiation historique, se rattache moins à l’école éminemment panthéiste du Védanta qu’à la philosophie du sens commun, popularisée en Angleterre par les travaux de l’école écossaise. D’après le Brahma Dharma, l’homme a deux sources de connaissance : le témoignage des sens et les révélations de la conscience ; — deux méthodes pour arriver à la certitude, l’observation externe qui démontre, par le tableau de l’univers, la nécessité d’une cause première ou loi suprême, communément désignée par l’expression de Dieu, et l’observation interne, qui établit l’existence de vérités absolues, universelles, primordiales, inscrites dans la raison humaine indépendamment de toute démonstration, mais susceptibles de développement et de culture suivant les règles de la logique. C’est parmi ces vérités que la religion naturelle trouve sa notion première de Dieu, de l’âme et de la morale. « L’intuition, dit le Brahma Dharma, est la racine du brahmaïsme. » Le Dieu du brahmaïsme, c’est donc « l’être par excellence, infini dans le temps et dans l’espace, créateur et régulateur de tout ce qui est à la fois juste et miséricordieux. » Quant à l’âme, — et c’est ici surtout que le brahmaïsme se sépare radicalement des doctrines panthéistes, — Dieu l’a créée, comme toute chose matérielle ou immatérielle, mais, si elle a eu un commencement, elle n’aura pas de fin. Dieu seul est éternel ; l’âme n’est qu’immortelle. À la dissolution de l’organisme qu’elle anime, elle quittera les régions terrestres avec ses vertus et ses vices, pour poursuivre indéfiniment dans d’autres sphères la lutte pour la vérité et la perfection. C’est ainsi qu’il faut entendre ce précepte du Brahma Dharma, que « le paradis du brahmaïste consiste en la compagnie de Dieu. » — Dans une conception aussi élevée de nos rapports avec Dieu, la « voie du salut » est forcément la poursuite de l’idéal par la recherche du vrai et par la pratique du bien. Toutefois le brahmaïsme ne serait pas une religion s’il n’y ajoutait la nécessité d’un culte pour permettre à ses adeptes d’entrer en