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et pair). En même temps, dans ce même écrit, il déclarait, pour son propre compte, « que la grâce, sans laquelle on ne peut rien, a manqué à saint Pierre dans sa chute, » et paraissait reproduire ainsi sous une autre forme la même « erreur » qui avait été condamnée dans la première proposition : ce qu’Arnauld, bien entendu, refusait de reconnaître. L’écrit d’Arnauld fut à son tour déféré à la censure de la faculté. L’auteur fut mis en cause pour l’une et pour l’autre de ses deux assertions, qu’on appela le point de fait et le point de droit, et fut d’abord condamné sur le point de fait. C’est à cette première censure que se rapporte la 1re  Provinciale. Les quatre premières et les deux dernières (17 et 18) sont relatives aux difficultés sur la grâce.

On voit assez en lisant ces Lettres, comme on l’a vu par tout ce que je viens de dire, combien ces difficultés sont insurmontables. L’esprit y est continuellement placé entre des idées contradictoires et incompatibles, et les théologiens du XVIIe siècle, à l’exception des molinistes, loin de prétendre atténuer les oppositions entre ces deux faces de leur foi, se faisaient un devoir d’humilier leur raison sous ces oppositions mêmes. Telle est en particulier la théologie de Bossuet, c’est-à-dire celle de l’école de saint Thomas d’Aquin, ou des thomistes. Qu’on me permette de m’y arrêter ; il semble qu’on ne puisse mieux s’adresser, pour avoir le dernier mot sur ces questions, qu’au grand évêque que La Bruyère appelait publiquement un Père de l’église.

Il a développé sa doctrine principalement dans trois écrits, qui sont : 1o  un Traité du libre arbitre, composé, dit-on, pendant que Bossuet était précepteur du dauphin, mais qu’il n’a pas publié, et qui ne parut qu’en 1731, trente-sept ans après sa mort ; 2o  une Instruction pastorale publiée dans une ordonnance de l’archevêque de Paris (M. de Noailles) en 1696, mais que l’abbé Le Dieu déclare avoir été écrite par Bossuet ; 3o  un écrit composé encore pour l’archevêque de Paris, afin de lui venir en aide dans les embarras théologiques où il s’était mis à propos du livre fameux du père Quesnel, Réflexions morales sur le Nouveau-Testament. Cet écrit fut fait pour être placé dans une nouvelle édition de ce livre, qui devait paraître avec une approbation de l’archevêque de Paris et pour expliquer cette approbation ; mais M. de Noailles se décida à laisser paraître l’édition, en 1699, sans approbation et par conséquent sans explication, de sorte que le travail de Bossuet ne fut pas publié. Il le fut en 1710 par le père Quesnel lui-même, entre les mains de qui il était tombé et qui le donna sous le titre de Justification de ses Réflexions morales. À ces trois écrits, on peut ajouter une courte Lettre sur la prédestination, qui est la huitième des Lettres à la sœur Cornuau, et qui n’a pas non plus été écrite