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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/607

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effet, George III entra dans une violente colère et déclara qu’il accepterait bien les amis de M. Fox, mais non pas M. Fox lui-même. Avec de la fermeté, Pitt aurait eu certainement raison de la résistance du roi. Ce qui le prouve, c’est que deux ans plus tard, après la mort de Pitt, George III subit parfaitement Fox comme ministre des affaires étrangères. Malheureusement, Pitt n’était pas en disposition de lutter énergiquement contre la volonté royale. Il se reprochait toujours sa rupture avec George III, en 1801, à propos de l’émancipation des catholiques. Il craignait de provoquer chez le souverain un nouvel accès de folie. Il céda sur le nom de Fox ; il ne prit même pas avantage de cette concession pour obtenir du roi quelque chose en faveur des catholiques. Bref, il subit la loi sur tous les points. L’irritation fut grande parmi les amis de Grenville et de Fox quand on apprit le résultat de cette négociation. Fox seul, avec sa générosité habituelle, se déclara prêt à se sacrifier et pressa ses amis d’entrer dans le ministère. Il lui fut répondu par un refus unanime. Pitt, brouillé avec Addington, qu’il venait de renverser, brouillé avec les grenvillites et les foxites par suite de son excessive condescendance envers le roi, fut réduit à former un ministère extrêmement faible. Il conserva une partie des collègues d’Addington ; peu de temps après, il se réconcilia avec Addington, qu’il éleva à la pairie sous le nom de vicomte Sidmouth et qu’il nomma président du conseil privé. Ses meilleurs amis déplorèrent ces arrangemens, qui livraient le pouvoir au vieux parti protestant. De fait, il était impossible de discerner une différence sérieuse entre le cabinet Addington et le nouveau cabinet, sauf que celui-ci avait à sa tête un homme de premier ordre. Quant au programme politique, il était exactement le même, et l’un des principaux points de ce programme était la résistance aux réclamations des catholiques.

La reprise des hostilités entre la France et l’Angleterre avait naturellement fait renaître chez un certain nombre d’Irlandais le désir et l’espoir de l’indépendance. Il en résulta, sous le ministère Addington, un commencement d’insurrection dont nous devons dire quelques mots. Un jeune homme de vingt-quatre ans, Robert Emmett, frère de ce Thomas Emmett qui avait joué un rôle dans le complot des Irlandais-Unis, se flatta de renouveler avec plus de succès la tentative de 1798. Les moyens d’action dont il disposait. étaient extrêmement limités. Il n’avait pas entre les mains la puissante organisation des Irlandais-Unis, détruite après la grande insurrection. Il n’avait pour complices que des gens d’une médiocre situation sociale, Dowdall, un ancien employé subalterne de la chambre des communes de Dublin, Allen, un fabricant de laines ruiné, Redmund, un petit commerçant, Quitley, un mécanicien,