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avaient des exigences déraisonnables et qu’il ne fallait plus songer à les satisfaire. La cause de la liberté religieuse perdit donc encore du terrain. En 1814, on n’osa même pas porter la question devant la chambre. En 1815, on risqua une nouvelle tentative. On se trouva en minorité de 80 voix. Il n’y avait plus rien à faire tant que durerait cette chambre. Elle fut enfin dissoute en 1818, après six ans d’existence, et l’on put espérer que des jours meilleurs allaient se lever. La paix générale était rétablie depuis trois ans. L’Angleterre, délivrée du cauchemar d’une invasion étrangère, revenait peu à peu aux idées libérales. La politique de compression à outrance, pratiquée par lord Liverpool et par lord Eldon, fatiguait même les jeunes membres du parti tory, comme lord Palmerston, alors secrétaire de la guerre. Grattan, vieilli, fatigué, mais non découragé, recommença la lutte. Il avait d’autant plus de mérite à persévérer dans cette voie, qu’il venait d’éprouver un cruel déboire. Aux élections générales, certains catholiques intolérans, qui ne lui pardonnaient pas son malheureux bill de 1813, avaient ameuté contre lui la populace de Dublin. Il avait été hué, insulté, il avait failli être assommé. Il répondit à ces indignités de la manière la plus noble, en présentant dès la première session du nouveau parlement une nouvelle proposition en faveur des catholiques. Il fut appuyé par Canning, qui venait de rentrer aux affaires comme président du Bureau de contrôle (ministre de l’Inde) et par deux autres membres du gouvernement, Castlereagh et Croker. 241 voix se prononcèrent pour sa proposition et 243 contre. N’être en minorité que de deux voix, c’était un succès relatif, après les échecs des années précédentes.

Le parlement de 1818 n’était pas destiné à une longue existence. George III étant mort au commencement de 1820, il fallut procéder à de nouvelles élections. Grattan fut réélu sans difficulté à Dublin, mais l’état de sa santé ne lui permit pas de paraître sur les hustings. Dans le courant de l’automne précédent, il avait pris un refroidissement en visitant la région des lacs dans le comté de Wicklow, et depuis cette époque il avait la poitrine assez sérieusement atteinte. Son âge (il avait près de soixante-quinze ans), augmentait les inquiétudes que causait cette maladie, et les médecins lui conseillèrent de ne pas se rendre à Londres pour l’ouverture du parlement. Il crut que la force morale suppléerait chez lui à la vigueur physique et qu’il pourrait encore une fois prendre la parole dans la chambre des communes en faveur de la grande cause à laquelle il s’était voué depuis de longues années : « Je mourrai à mon poste, » dit-il. Le 20 mai, malgré les supplications de sa famille, il s’embarquait à Dublin, après avoir reçu une députation