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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/629

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un fâcheux échec pour le vice-roi. Ses amis eux-mêmes blâmèrent son imprudence. Canning, l’un des plus terribles railleurs de ce temps, se moqua de ce qu’il appelait le complot de la bouteille. Le mot fit fortune. Il fut répété dans les cercles de Londres, reproduit par les journaux. Le conquérant de l’Inde, le vainqueur de Tippoo-Saïb, ne fut plus connu d’un bout à l’autre du royaume-uni que comme le héros ridicule du complot de la bouteille.

Pendant que l’Irlande se débattait sous la triple étreinte de la famine, de l’épidémie et des discordes civiles, Canning, dans le parlement anglais, faisait une nouvelle tentative en faveur des catholiques. Cette fois, il n’aborda pas la question dans son ensemble. Il se contenta de plaider la cause des pairs catholiques, qui, depuis le vote de l’acte du test sous Charles II, ne pouvaient plus siéger dans la chambre des lords sans se parjurer et qui, par conséquent, se trouvaient implicitement déchus de leur dignité. Parmi ces pairs se trouvaient les chefs de quelques-unes des premières familles du royaume. Il espérait que leur situation toucherait la chambre des lords et qu’elle ne refuserait pas de leur rouvrir ses portes. Il pensait d’ailleurs avec raison que cette concession, une fois obtenue, en entraînerait d’autres et que, les catholiques étant admis dans la chambre des lords, il ne serait pas possible de les exclure longtemps de la chambre des communes. Cette conséquence, qui était évidente, devait frapper tout le monde et par conséquent faire échouer le plan de Canning. Son bill fut rejeté dans la chambre des lords par une majorité de 42 voix. Dans la chambre des communes, il n’obtint qu’une majorité de quelques voix. Et pourtant le grand orateur déploya toutes les séductions de son éloquence. Il commença par faire un tableau saisissant des circonstances dans lesquelles avait été votée la loi qui excluait de la chambre des lords les pairs catholiques. Il rappela les luttes religieuses de cette époque, les craintes qu’éprouvait l’Angleterre protestante à la pensée de voir un prince catholique succéder à Charles II, la terreur produite par l’annonce d’un complot reconnu plus tard imaginaire, la procédure dirigée contre lord Stafford et solennellement annulée depuis par le parlement. Il fit remarquer que les lois rigoureuses de cette époque avaient été partiellement abrogées en 1791, puisque le parlement avait restitué aux pairs catholiques le droit de se présenter devant le roi et d’être reçus par lui, en leur qualité de conseillers héréditaires de la couronne, sous la seule condition de déclarer qu’ils ne reconnaissaient pas au pape une juridiction temporelle ou civile en Angleterre : « Ainsi, dit Canning, un pair catholique peut se rendre à Saint-James et demander à être admis en présence du roi. Les mots cabalistiques de juridiction temporelle ou civile suffisent pour