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croissante des radicaux dans les élections de Paris, il avait écrit à la même personne :


… La seule particularité qui soit parvenue à ma connaissance est un manifeste du sieur Gambetta, qui m’a semblé une production extrêmement bouffonne. Pour que les attitudes pontificales de ce tribun soient prises au sérieux dans la « capitale de l’intelligence, » il faut évidemment que ce pays soit bien malade. Quant à lui, après son aventure inouïe, après la double élection qui a récompensé une criaillerie de club, il est tout naturel qu’il se considère comme un phénomène et réclame la dictature. C’est de la modestie de sa part de ne pas demander des statues. Ceux qui s’étonnent ou s’affligent de ce résultat après l’avoir préparé par leur stupide engouement, me mettent hors des gonds. Ils ont voulu faire des héros de Gambetta et des autres, qu’ils les subissent maintenant. Il est une chose, mon cher ami, que nous ne devons plus nous dissimuler après ce que nous avons vu, c’est que l’avenir appartient aux braillards et aux flatteurs de la multitude. Ç’a été dans les élections la note dominante et la condition du succès.

Avec la pauvreté de caractère qui distingue les Français, tout le monde en passera par là, même ceux qui affectent le plus de dédaigner ces moyens de succès. Avez-vous lu dans les Débats, quelques jours avant le scrutin de ballottage, un certain discours de M. Thiers ? Ce petit homme, au dire du journal, ayant pris la parole d’un ton sombre et pénétré, a déclaré à l’auditoire, après quelques préliminaires, que, d’après son opinion, « l’avenir appartenait à la république économique. » Si la lutte électorale avait duré huit jours de plus, Thiers aurait fait une profession de foi socialiste. Eh bien ! en cela il est le type, l’idéal de ses compatriotes. Une fois sur la pente, tout dégringole, rien ne tient. C’est ce qui réussit qui fait la loi……


A mesure que les événemens se précipitent, il devient plus inquiet et se lamente en constatant l’état des esprits dans les masses parisiennes.


26 octobre 1869.

… Le voilà donc arrivé, ce fameux 26 octobre ! Je méprise tellement ce qui s’est brassé à Paris dans ces derniers temps en fait de manifestation démocratique que je n’ai même pas eu la curiosité d’aller voir ce qui se passe. Comme les choses les plus absurdes sont toujours ici celles qui ont le plus de chance de se réaliser, et comme il y a sur le pavé de Paris cinquante mille bêtes brutes menées par quelques douzaines de fois, il n’est pas impossible qu’il n’y ait quelque affaire ; mais cela ne