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peut aboutir à rien, si ce n’est à faire casser quelques mâchoires fort peu intéressantes. Qui donc nous délivrera des charlatans, mon cher ami ? Cherchez donc cet insecticide, vous qui êtes chimiste !


L’avènement du ministère de M. Ollivier ne lui inspira qu’une médiocre confiance. Il en veut à ceux qui s’y sont ralliés :


30 juin 1870.

Je ne vous parle pas de tout ce qui s’est passé depuis six mois. Si cette crise intérieure a été, après tout, heureuse pour notre pays, il faut convenir que les individus n’y ont pas brillé. On a rarement vu plus de faiblesse et d’inconsistance. Ces mêmes hommes avaient montré de la dignité, de la persévérance pendant ces quinze dernières années, mais ils étaient fatigués de leur propre vertu, et ils ont saisi le premier prétexte venu pour s’en défaire. Cela n’a pas été long. Cela a achevé la décomposition politique de ce pays. Il n’y a plus rien que des conservateurs sans direction et sans principes, ou des violens sans idée ; le milieu a péri.


Au vote sur le plébiscite, Lanfrey avait été d’avis de s’abstenir ; c’est ce qui résulte d’une lettre adressée de Paris à M. Parent, aujourd’hui sénateur, et insérée dans le Patriote savoisien. Dès les premiers jours de l’année 1870, il avait été très frappé du désarroi où les esprits étaient tombés. Le spectacle qu’il avait sous les yeux lui semblait à la fois irritant et attristant pour ceux qui y étaient mêlés.


… Ne vous y trompez pas, ce que vous appelez l’agonie du pouvoir impérial, écrit-il à l’un de ses amis résidant à l’étranger, ce sont tout simplement les contorsions d’un peuple incapable d’avoir une pensée et une volonté. La France est aujourd’hui livrée à elle-même. Ceux qui la gouvernent ne lui demandent qu’une chose, c’est de manifester clairement un sentiment quelconque. Elle ne répond que par des agitations contradictoires tantôt dans le sens d’une basse démagogie, tantôt dans celui de la peur. C’est pourquoi, malgré l’incontestable bonne volonté de quelques-uns des hommes qui sont aujourd’hui au pouvoir, malgré l’avantage énorme d’une situation qui leur offre une foule de réformes toutes prêtes auxquelles il ne manque que la signature, on est autorisé à penser qu’ils feront peu de chose. Ils n’ont pas assez de caractère pour donner l’impulsion au pays, et le pays qui pourrait la recevoir est hors d’état d’en imprimer une quelconque à qui que ce soit.