Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/677

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où la culture avait elle-même commencé d’employer des quantités notables d’eau d’égouts, et que, sauf quelques variations, il n’avait cessé de s’accroître à mesure que le répandage des eaux vannes augmentait lui-même.

Ce n’est pas tout : les habitans de Gennevilliers se plaignaient encore de certaines fièvres intermittentes fort malsaines, sinon mortelles, pour un grand nombre d’entre eux. A la vérité, MM. les représentans de la ville, après avoir contesté l’existence de ces fièvres, affirmaient, en présence des rapports médicaux, qu’elles avaient toujours sévi dans la presqu’île. Quoi qu’il en pût être réellement, que ce fût par un malheureux hasard ou par une relation naturelle de cause à effet, ce qui paraissait positif, c’est que les cas de fièvre s’étaient multipliés, en même temps que s’étendait l’irrigation des eaux vannes. L’exemple, on le conçoit, n’était pas fait pour séduire, et l’on comprend que les populations jusqu’alors exemptes de ces divers risques n’éprouvassent point un besoin pressant de s’y exposer.

Toujours est-il que l’enquête ouverte conformément à la loi fit éclater une opposition à peu près unanime. La commission nommée par le préfet de Seine-et-Oise au sein du conseil général de ce département s’éleva avec vigueur contre les conséquences désastreuses d’un projet qui ne parviendrait pas à affranchir la Seine de l’infection en raison de l’insuffisance des surfaces destinées à l’irrigation, et qui ruinerait l’un des coins les plus riches du département en introduisant l’insalubrité et la malpropreté au milieu des innombrables et luxueuses villas qui le peuplent. Sur trente-deux communes consultées, vingt-sept protestèrent énergiquement par l’organe de leurs conseils municipaux dans des délibérations fortement motivées[1]. Enfin, dans les communes les plus directement touchées, près de huit mille cinq cents signatures repoussèrent individuellement le cadeau qu’on leur voulait faire.

En présence d’un tel accueil, il eût fallu des illusions bien robustes pour espérer trouver dans les demandes de la culture libre le débouché nécessaire aux produits des collecteurs. Le projet, sans être officiellement retiré, rentra donc au bout de quelque temps dans le silence des cartons, abandonnant la Seine et ses riverains à leur malheureux sort. Mais ce n’était qu’une fausse sortie, et la fin de l’année dernière le vit réapparaître. La retraite, il est vrai, l’avait singulièrement changé, et il était amputé de plus d’un

  1. Les cinq autres communes, Argonteuil, Ecquevilly, Meulan, Verneuil et Versailles, ou étaient trop éloignées pour prendre intérêt à la question, ou n’avaient d’intérêt qu’à l’assainissement de la Seine.