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partie de l’engrais liquide. Le projet, en un mot, qualifiait ces 1,500 hectares du titre un peu singulier de « vaste régulateur. »

A peine connu, ce projet souleva chez les populations qu’il touchait au passage un toile général. Pays de villégiature, enrichi plus encore par l’habitation de plaisance que par ses cultures, si perfectionnées déjà qu’elles pussent être, et en tous cas abondamment pourvu de fumiers de toutes sortes par le voisinage de Paris, la contrée à laquelle on offrait l’irrigation des égouts comme un bienfait la repoussait avec terreur comme une cause de ruine. Et ce n’était pas sans quelque raison, n’en eût-on d’autre preuve que le discret aveu de M. le directeur des travaux de Paris[1] : « Cette opposition aux projets des ingénieurs de la ville de Paris pouvait paraître justifiée par l’état fâcheux dans lequel se trouvait une partie de la plaine de Gennevilliers à la suite du relèvement de la nappe souterraine, que les populations mal éclairées attribuaient à tort aux irrigations. Elle trouvait un aliment dans les malheureux procès que la ville de Paris avait à soutenir à ce sujet contre les communes et les propriétaires de Gennevilliers. » — Mal éclairées, les communes de Gennevilliers l’étaient-elles ? Nous n’en sommes pas certains. Mais inondées surabondamment, elles l’étaient à coup sûr. Dans la plaine, des carrières de sable avaient dû être abandonnées et s’étaient peu à peu transformées en mares. Dans le village même, jusque sur la grand’place, un grand nombre de caves étaient perpétuellement envahies par les eaux jusqu’à 0m,20 et 0m,30 de hauteur. Enfin, dans une grande usine établie depuis longues années, une pièce d’eau, existant d’ancienne date, voyait son plan d’eau relevé de 1m,50, si bien que l’eau noyait le garde-fou autour duquel jadis on circulait à pied sec ; un petit tunnel passant sous un chemin était obstrué par les eaux, et pour couronner le tout les cendriers des chaudières étaient également envahis. Il était clair que les caves, dont bon nombre étaient récentes, n’avaient pas été construites de telle sorte que l’eau s’y mêlât constamment au vin ; que le tunnel avait été percé pour qu’on y pût passer, et qu’enfin les chaudières de l’usine Pommier n’avaient point été bâties à dessein le pied dans l’eau. MM. les ingénieurs affirmaient, il est vrai, que cette surélévation désastreuse de la nappe souterraine avait pour seule cause les grandes crues de la Seine. Mais la Seine, apparemment, avait de tout temps subi des crues, tandis que les irrigations ne dataient que de quelques années. Or il se trouvait précisément que le relèvement de la nappe avait commencé de se produire trois ans après les premiers essais, c’est-à-dire au moment

  1. Note déjà citée, page 128.