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d’une valeur pareille ? On en tirerait au contraire, une fois l’expérience faite, un profit considérable et certain. Le kilogramme de phosphate de chaux peut être évalué à 0 fr. 11, le kilo d’azote à 2 francs ; 6,000 kilos de phosphate de chaux et 3,300 kilos d’azote par jour valent donc respectivement 660 francs et 6,600 francs au total, 7,260 francs, — 7,000 francs par jour en chiffres ronds, pour prendre toujours le résultat le moins favorable. Voilà donc la valeur commerciale de ces eaux qui ne rapportent aujourd’hui que de graves ennuis à la ville et aux communes suburbaines ! Et encore ne comprenons-nous pas dans cette estimation la valeur des matières organiques analogues à l’humus que contient le précipité. Or nous avons vu que les frais journaliers des opérations s’élèveraient à 3,000 francs environ par jour. Si de 7,000 nous retranchons 3,000, il nous reste 4,000 francs de bénéfice journalier, soit par année 1,500,000 francs de gain possible pour la ville de Paris.

Mais allons plus loin dans notre système de ne jamais tabler sur les éventualités favorables, toutes certaines qu’elles puissent paraître. Supposons que les agriculteurs, dans les premiers temps du moins, montrent peu d’empressement à payer les nouveaux engrais ; supposons que la ville soit réduite à les distribuer pour rien et ne puisse même pas se couvrir des frais qui lui incombent. Ces frais quels sont-ils ? Nous avons calculé que pour l’exploitation complète, ils atteindraient au maximum la somme de 3,000 francs par jour, soit par année 1,095,000 francs. À ce chiffre il convient d’ajouter l’intérêt des dépenses d’installation, soit pour 2 millions et demi à 5 pour 100, 125,000 : total 1,220,000 francs de frais annuels. Forçons encore : rappelons-nous que les villes comme les états bâtissent pour les générations futures, et que si leurs travaux sont solides, ils ne se font point à bon marché. Doublons donc le montant, déjà fort large, du capital de premier établissement, comptons de ce chef 250,000 francs d’intérêt au lieu de 125,000 francs. Nous atteignons à grand’peine un maximum de 1,345,000 francs par an.

Que coûteraient donc à la ville les projets d’épuration ? Prenons l’évaluation même des dépenses que nous donne dans sa Note M. le directeur des travaux de Paris[1]. Les frais d’établissement de machines, de canalisation, de drainage, de distribution des eaux, etc., s’élèveront au chiffre respectable de 12 millions de francs. Il est juste d’en retrancher 2,850,000 fr. déjà dépensés à Gennevilliers ; restent donc 9,150,000 fr. : en chiffres ronds, 9 millions dont l’intérêt annuel à 5 pour 100 sera de 450,000 fr. Les frais d’exploitation, d’autre part, atteindront le chiffre annuel de 1,670,000 fr. ainsi décomposés : dépense d’élévation des eaux par

  1. Pages 150 et 151.