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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/719

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ne fera que le compromettre lui-même si on s’en sert pour donner une apparence de force légale à l’arbitraire du gouvernement juge dans sa propre cause. On invoquera certaines lois : il y a aussi d’autres lois qui autorisent la plainte au criminel contre les fonctionnaires, contre les agens administratifs. Il y a des lois qui interdisent d’élever des conflits dans les affaires au criminel. Il y a l’abolition de l’article 75 de la constitution de l’an vin qui a enlevé une garantie aux fonctionnaires, qui les laisse découverts contre les poursuites dont ils peuvent être l’objet. Il y a tout cela et bien d’autres choses encore, bien d’autres incidens qui peuvent naître à l’improviste d’une agitation indéfinie.

Franchement, pour se donner le plaisir de désavouer une modeste négociation avec le Vatican et de ne point avoir l’air de reculer devant l’exécution complète des décrets du 29 mars, va-t-on s’engager dans ce fourré, dans cette guerre de broussailles, et s’exposer à une multitude de contestations, de procès qui ne seront au bout du compte qu’une défense légitime ? Si le dernier président du conseil, voyant le péril, a voulu l’éviter, il a eu mille fois raison, il obéissait à une pensée de prévoyance qu’il a eu simplement le tort de ne pas soutenir plus fermement. Si le cabinet renouvelé prétend se donner le rôle de tout braver, du moins de conduire méthodiquement la guerre aux ordres religieux, il entre dans une carrière de violence et de hasard, où, en offensant tous les sentimens modérés, il ne fera jamais assez pour garder jusqu’au bout l’appui de M. La Vieille et de M. Guichard. Il court le risque d’être pris entre tous les camps et d’expier sa témérité dans quelque obscure échauffourée de parlement où il disparaîtra. Ce dernier remaniement ministériel n’est pas une solution, il n’est que la continuation de la crise ou la préparation de crises nouvelles. Et qu’on ne répète pas sans cesse que c’est la république qui est en cause dans cette affaire des décrets du 29 mars, qu’il s’agit de la défense des institutions et de la société civile, que ceux qui se permettent de juger pour ce qu’elle vaut la politique du jour sont des réactionnaires, des cléricaux qui méconnaissent les sentimens et le droit du pays ! C’est une banalité déjà usée. Les plus vrais, les plus dangereux adversaires de la république sont ceux qui ne craignent pas de la jeter dans des aventures par passion de parti et qui semblent se complaire à lui susciter partout des ennemis. Ce que le pays demande et a le droit de demander, c’est qu’on lui épargne les crises sans raison, les agitations inutiles, qu’on le laisse enfin travailler, calme et libre, dans la paix intérieure et extérieure.

Le monde, en vérité, ne semble pas être pour le moment à une politique simple, pas plus dans la diplomatie que dans les affaires intérieures de certains pays, et ce qui se passe en Orient est certes un assez bizarre spécimen de ce qu’on peut appeler la politique compliquée aboutissant à l’impuissance. Voilà donc l’Europe engagée, après toute