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dans la mêlée ou les captifs qui avaient péri au pouvoir de l’ennemi, soit qu’ils fussent morts à coups d’épée, soit qu’ils eussent été brûlés vifs ou tués avec des roseaux pointus, ou morts à coups de bâtons de sapin, ou martyrisés au moyen de torches de pin attachées sur le corps et auxquelles on mettait le feu. A tout prendre, il valait peut-être mieux aller au paradis qu’au ciel, quoique le ciel fût le séjour du soleil.

Les Mexicains, s’il faut en croire les longues oraisons que rapporte B. de Sahagun, étaient un peuple discoureur. Chaque sacrifice, chaque fête, chaque élection de souverain, entraînaient d’interminables exhortations. Quelquefois de curieuses remarques y sont mêlées. Un dignitaire, s’adressant à un seigneur récemment élu, lui parle ainsi : « Faites bien attention à recevoir humblement ceux qui se présentent devant vous, oppressés par l’angoisse et les tribulations, écoutez avec douceur et jusqu’à la fin ses plaintes ; car vous êtes l’image de Dieu, il compte sur vous ; qu’il ne vous arrive jamais la pensée de dire : Je suis roi, je serai ce qu’il me plaira. Que la dignité dont vous jouissez ne soit pas une occasion d’orgueil. Il vaudra mieux vous rappeler souvent ce que vous fûtes dans le temps passé et la bassesse d’où vous êtes sorti. »

Ne trouve-t-on pas quelque analogie entre ce discours et celui que Joad adresse à son jeune roi :

Promettez……..
Que, sévère aux méchans, et des bons le refuge,
Entre le pauvre et vous vous prendrez Dieu pour juge,
Vous souvenant, mon fils, que caché sous ce lin,
Comme eux vous fûtes pauvre et comme eux orphelin.


Beaucoup d’autres observations semblables peuvent être faites ; les sociétés mexicaines se sont constituées sur les mêmes bases que nos vieilles civilisations d’Europe. L’homme a un fonds invariable qui se retrouve sous les diverses latitudes.

Enfin on trouvera, à la suite du beau livre traduit par M. Jourdanet, un lexique de la langue nahuak. Il nous est interdit d’en parler, et pour cause. C’est une langue peut-être admirable, mais qui paraîtra barbare à bien des gens. Elle renferme en effet des mots tels que chicoapalnacazminqui et mixcoatlailotlacauelitoctzin. Le reste est à l’avenant. Heureusement le moment n’est pas encore venu où on la demandera au baccalauréat.