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saint homme du bon Dieu vécut en ce pays, il s’occupa surtout de soutenir le collège de Santa-Cruz, édifié près du couvent de Tlatelolco, où il travailla sans se reposer un seul jour à catéchiser les fils des principaux personnages indiens qui s’y rendent de toutes les parties du pays pour y apprendre avec plus de perfection la lecture, l’écriture, la langue latine et la médecine, aussi bien que les bonnes mœurs et les bonnes manières. » Heureusement Bernardino de Sahagun ne s’est pas contenté de former aux belles manières les jeunes princes mexicains ; il a observé les mœurs, les habitudes, les usages de la nouvelle nation où son apostolat l’avait jeté, et consigné dans un gros livre les résultats de ses observations et de sa longue expérience. C’est ce livre que MM. Jourdanet et Rémi Siméon viennent de traduire en français.

C’est une étude très détaillée de la religion, des mœurs et de la langue des Mexicains tels qu’ils étaient avant que la civilisation européenne se fût brutalement imposée à eux. Certes il. est intéressant de pénétrer dans cette civilisation primitive. Que de questions se posent ! Comment ces hommes, depuis plusieurs centaines de siècles séparés du vieux monde, avaient-ils conçu les choses sociales ? Quelles étaient leurs idées sur la divinité, le destin ultime de l’homme ? Quelle part avaient la poésie, la religion, le commerce, l’art, dans leur existence ? C’est dans des observations semblables qu’on peut seulement trouver ce document humain dont on abuse si fort dans une certaine littérature. Voilà un peuple qui s’est progressivement élevé à un certain degré de culture intellectuelle et de perfection sociale ; il n’a eu aucune relation avec les civilisations sémitique, aryenne, chinoise, et cependant les traits généraux sont les mêmes. L’homme, cet être ondoyant et divers, aurait donc un fonds commun qui ne varie ni avec la latitude ni avec le climat. Là où un groupe d’hommes s’est établi pour devenir famille, tribu, peuple, le même genre d’organisation s’est développé aussi bien en Asie et en Amérique qu’en Afrique et en Océanie.

Chez les Mexicains, la superstition couvrait tout. Tout était réglé par des prières, des cérémonies (souvent des sacrifices humains). Le sorcier et le prêtre étaient souverains maîtres. Il y avait des jours heureux, des jours néfastes, des mois heureux, des mois néfastes, des amulettes, des sortilèges, des prédictions, des danses et des hurlemens sacrés. Le nombre des dieux était infini. Mais le principal dieu était Uitzilopochtli. Comme Hercule, il est probable que ce dieu était le résultat d’une déification légendaire, une sorte d’Hercule ayant sauvé jadis les premiers indigènes de quelque grand péril. Quant aux âmes des défunte, elles allaient soit aux enfers, soit au paradis terrestre, soit au ciel. Ceux qui mouraient de maladie allaient dans l’enfer ; au paradis allaient les gens tués par la foudre ou noyés, les lépreux, les galeux, les goutteux et les hydropiques. Ceux qui allaient dans le ciel étaient les guerriers morts