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l’entendre ; il écrit une Grammaire grecque, et ayant trouvé dans Palla Strozzi (1371-1462) un admirable protecteur, doué de grandes richesses, il ne rencontre plus dès lors nul obstacle à la propagation de ces idées nouvelles : il fait venir de Constantinople tous les manuscrits grecs qu’il peut s’y procurer et révèle à l’Occident les œuvres de Platon, de Plutarque, la Politique d’Aristote et la Géographie de Ptolémée.

C’est bien Florence qui officiellement, par un décret, une provision du conseil des Priori, a donné le mouvement en Italie dès 1360. A partir de là, l’effort est très vif, et les résultats sont évidens. Guarini de Vérone succède à Chrysoloras, Cosme le Vieux succède à Strozzi, qu’il jalouse et qu’il exile, mais dont il continue l’effort dans cette direction des études grecques ; Leonardo Bruni Aretino, autre élève de Chrysoloras, traduit l’Éthique d’Aristote, les Harangues d’Eschine, la Première Guerre punique de Polybe, et Niccolo Niccoli crée une science nouvelle : la critique philologique (1363-1437). Ce n’est plus assez pour les Florentins d’avoir les textes, il faut les posséder dans leur fidélité primitive et les réduire à leurs meilleures leçons. Nous arriverons insensiblement à l’apogée du mouvement déterminé par la présence de tous ces Grecs venus au concile de Florence, et plus tard par l’émigration qui résulte de la prise de Constantinople par les Turcs. Les George de Trébizonde, Théodore Gaza, Argyropoulos, Gémiste Piéthon, Aurispa (qui à lui seul apporte à Florence, de son voyage en Orient, deux cent trente-deux manuscrits grecs), annoncent Marcile Ficin et l’académie platonique, qui tient ses séances sous les arbres de Carreggi, sous la présidence de Laurent le Magnifique et de Poli tien.


II

Avant de montrer comment Florence entraîne à sa suite l’Italie tout entière et avant de donner une idée du mouvement dans Florence même au moment où il atteint son apogée, sous Laurent de Médicis, il faut revenir en arrière pour constater la trace d’autres influences parallèles qu’on retrouve mêlées comme un alliage au génie florentin. Il importe aussi de dire comment, entre la langue latine et la langue grecque réservée comme langue savante aux classes supérieures, s’élaborait lentement la langue vulgaire, composée, comme des fleurs d’un bouquet, des expressions les plus belles et les plus appropriées, empruntées à tous les dialectes de l’Italie, pour former cette langue nouvelle que Dante, au XIIIe siècle allait employer et fixer dans un poème immortel.

La constitution d’un exarchat à Ravenne, qui persista jusqu’au Xe siècle, avait pour ainsi dire enfermé le territoire toscan dans un