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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/817

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cercle étroit d’influences byzantines ; s’il est difficile de bien déterminer la part de cette action dans le mouvement littéraire, elle nous apparaît avec la dernière évidence dans les arts plastiques, Que le voyageur qui visite le Baptistère de San-Giovanni, l’un des monumens les plus vénérables de la cité, lève les yeux vers l’ornementation dont la voûte est recouverte : il est en face d’une manifestation évidente de l’art grec, manifestation qui lui rappelle les mosaïques du tombeau de Galla Placida, à Ravenne, et les belles frises de San-Vitale, où l’impératrice Théodora, fardée comme une ancienne courtisane, et l’empereur Justinien apparaissent au milieu d’une cour orientale fastueuse composée d’eunuques, de Nubiens et de Persans. C’est à Cimabuë, le grand initiateur de l’école florentine, qu’il appartiendra de secouer le joug des canons byzantins et de dégager les tendances nationales en revenant à l’étude de la nature.

Dans la sculpture, c’est aux Pisans et à Niccolo Pisano, un des plus grands artistes qui aient jamais existé, que reviendra l’honneur de renouer les traditions de la sculpture italienne et d’affranchir la pierre ; mais il est juste de constater que c’est encore de l’art national qu’il s’inspire, en retournant aux sources romaines, quand il rêve devant ces sarcophages de Pise, dus, deux siècles avant le christianisme, aux ciseaux des tailleurs de pierre romains vantés par Strabon.

L’art et la science des Arabes, leur goût incomparable, leurs connaissances spéciales et restreintes, mais vivement caractérisées, devaient aussi apporter leur contingent d’influence indéniable. Maîtres de la Sicile depuis le IXe jusqu’au XIe siècle, comment, avec leur goût des formes raffinées, leur amour de la couleur, leur propension à l’étude des sciences, leur ornementation ingénieuse et compliquée, leur passion pour, les riches étoffes et les monumens éclatans qui reflétaient les vives colorations de leur sol, rendues désormais impérissables par des procédés savans et des combinaisons de matériaux indestructibles, n’auraient-ils pas, à leur tour, communiqué quelque chose de leur style et laissé l’empreinte de leur caractère dans les relations constantes qu’ils entretenaient avec les ports de la Méditerranée ?

Ils aimaient les armures damasquinées, les bijoux délicatement travaillés, les émaux brillans, les cuirs repoussés, les chevaux richement caparaçonnés ; habitués à la vie des camps et vivant comme en état de guerre, ils se plaisaient, même au milieu des loisirs de la paix, à retracer l’image de la conquête en des simulacres où ils faisaient briller leur élégance en déployant leur adresse. On allait, sans pousser aussi loin qu’à Gênes, où leurs vaisseaux abordaient directement, l’imitation des formes et des harmonies