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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/880

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trouvait en face de la souveraineté électorale. Le cas était d’autant plus embarrassant qu’il n’y avait pas moyen de renvoyer l’élu de Northampton devant ses électeurs, comme on avait fait pour O’Connell. Celui-ci avait refusé de remplir une formalité obligatoire ; c’est en se fondant sur ce refus que la chambre de 1828 avait déclaré son siège vacant et ordonné une nouvelle convocation des électeurs. Cette fois, ce n’était pas l’élu qui refusait de prêter serment ; c’était la chambre qui refusait de le lui laisser prêter et qui le mettait dans l’impossibilité de siéger. Les droits du bourg de Northampton se trouvaient donc annulés en pratique sans que cette annulation eût un fondement légal.

Les hommes sensés de tous les partis étaient d’accord que la chambre ne devait pas engager une lutte avec le corps électoral et qu’il fallait trouver une solution immédiate. M. Bradlaugh devenait, en effet, un personnage considérable ; des réunions publiques étaient journellement convoquées dans les centres populeux pour protester contre le traitement dont il était l’objet : on lui votait des adresses approbatives. Les collègues de M. Gladstone reprochaient à celui-ci d’avoir, par l’abdication volontaire de son rôle constitutionnel, jeté le ridicule et le discrédit sur le cabinet ; les radicaux étaient irrités de ce qu’ils considéraient comme une trahison de la part du premier ministre. M. Gladstone dut se décider à agir : encore ne prit-il qu’une demi-mesure. Le 1er juillet, il proposa à la chambre une résolution à l’effet de déclarer que tout membre qui demanderait à substituer une affirmation au serment serait admis à le faire. Sir Stafford Northcote, par un amendement, proposa à la chambre de maintenir purement et simplement ses décisions antérieures. Après une discussion orageuse, l’amendement fut rejeté par 303 voix contre 249. La plupart des députés irlandais ayant voté contre le gouvernement, la majorité ministérielle se trouva réduite à 54 voix. Un amendement de M. Sullivan, qui tendait à limiter l’effet de la résolution aux membres qui seraient élus à l’avenir, fut rejeté par une majorité encore plus faible, par 274 voix contre 246. La résolution fut ensuite adoptée sans scrutin. M. Gladstone n’avait point osé demander à la chambre de rapporter ses précédentes décisions à l’égard de M. Bradlaugh ; il avait pris le biais de poser un principe général, et pour donner à quelques-uns de ses partisans un prétexte de revenir sur leurs votes antérieurs, il avait introduit dans sa rédaction une phrase qui réservait les questions légales pendantes, laissant ainsi M. Bradlaugh exposé à des poursuites judiciaires. En effet, L’élu de Northampton avait à peine pris place sur les bancs législatifs qu’il lui était dressé un procès-verbal et qu’il recevait une assignation pour avoir siégé en violation d’une décision non rapportée de la chambre