facile à saisir, que si les fermiers qui consentiraient à succéder à un tenancier évincé voyaient leur bétail dépérir ou disparaître, le droit d’éviction serait paralysé entre les mains des propriétaires, et il termina en conseillant à tout Irlandais de se procurer un fusil et de s’exercer au maniement des armes. Ce langage fut signalé dans la chambre des communes à l’attention du gouvernement. M. Forster répondit par l’assurance que le cabinet ferait respecter les lois et il qualifia l’attitude prise par M. Dillon de conduite aussi lâche que perverse. Ces expressions peu parlementaires soulevèrent une tempête sur les bancs des députés irlandais. Revenu en toute hâte, M. Dillon mit, le 23 août, M. Forster en demeure d’expliquer ou de retirer ses paroles. Le ministre s’y refusa : il maintint que c’était une conduite perverse que d’exciter des multitudes ignorantes à violer la loi, et qu’il y avait lâcheté à se dérober par l’inaction à la responsabilité des actes coupables que l’on conseillait. Un grand tumulte s’éleva : les autonomistes déclarèrent l’un après l’autre qu’ils partageaient les sentimens de M. Dillon ; qu’ils approuvaient son langage et sa conduite. Ces protestations enflammées remplirent toute la séance.
Le lendemain, M. Parnell, dans un discours d’une modération relative et d’une incontestable habileté, souleva la question des rapports constitutionnels entre l’Irlande et l’Angleterre et soutint que l’Irlande ne verrait la fin de ses agitations et de ses maux que lorsqu’elle aurait une législature indépendante : les griefs des Irlandais n’avaient aucune chance d’être examinés sérieusement ni leurs plaintes d’être accueillies par un parlement sur lequel la population irlandaise ne peut exercer aucune action. L’orateur cita comme exemple le bill des indemnités pour trouble de jouissance qui venait d’être rejeté par les lords. Le gouvernement avait toujours la force à sa disposition pour faire rentrer les Irlandais dans le silence : il ne voulait ou ne pouvait rien faire pour soulager leurs maux. En combattant les idées émises par l’orateur irlandais, M. Forster fut amené à dire que le vote de la chambre des lords l’avait contraint d’examiner la situation qui lui était faite personnellement par le rejet du bill, et qu’il n’avait pas cru devoir reculer devant la responsabilité qui résulterait de la continuation de ses fonctions ; mais il ajouta qu’en ce qui concernait l’avenir, si l’usage que les propriétaires feraient de leurs droits avait pour conséquence de contraindre le pouvoir exécutif à protéger des actes d’injustice, le gouvernement, en demandant au parlement des pouvoirs exceptionnels, prendrait des mesures pour restreindre les droits dont il serait fait abus, « Oui, continua-t-il, si le gouvernement arrivait à constater que des actes d’injustice fussent commis sur une grande échelle par les propriétaires, il aurait le