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session prochaine. Néanmoins, comme il s’agissait d’une mesure relative à l’Irlande, les députés autonomistes témoignèrent une grande irritation. M. Parnell fit la motion de transformer le bill en un article additionnel au budget afin de contraindre la chambre des lords à l’adopter. M. T. O’Connor proposa la suppression du traitement que reçoit lord Redesdale. Tout en combattant la motion de M. Parnell, M. Forster critiqua amèrement la conduite de la chambre des lords, « de ces législateurs qui devaient leurs pouvoirs au hasard de la naissance ; » et il se laissa entraîner jusqu’à dire que, si de pareils agissemens se répétaient souvent, il y aurait lieu d’examiner sérieusement s’il n’était pas désirable et même nécessaire de modifier la constitution de la chambre des lords. Les paroles de M. Forster furent accueillies avec de bruyans applaudissemens sur les bancs des députés irlandais et des radicaux : elles furent immédiatement relevées par sir Stafford Northcote, qui fit ressortir la gravité d’un pareil langage dans la bouche d’un ministre. Le chef de l’opposition exprima la conviction que M. Forster n’avait pu parler au nom et avec l’assentiment du gouvernement : dans le cas contraire, il serait désirable que le parlement et le pays sussent à quoi s’en tenir sur les intentions du ministère. Il était impossible que la chambre des lords ne s’émût pas de la menace lancée à son adresse. Dès le lendemain, lord Granville, après avoir déclaré que lui-même ne consentirait pas à faire partie d’un cabinet qui méditerait de porter atteinte aux droits constitutionnels de la pairie, informa la chambre qu’il avait réclamé de son collègue des explications desquelles il résultait que le langage de celui-ci avait été mal compris. M. Forster assurait avoir dit que s’il arrivait fréquemment que la chambre des lords rejetât, sans vouloir les examiner, les bills envoyés par l’autre chambre, certaines personnes, au sein et en dehors des communes, pourraient être conduites à croire à l’utilité de modifications dans sa constitution. M. Forster n’avait pas dit qu’il serait du nombre de ces personnes ; en tout cas, il reconnaissait avoir parlé de lui-même et sans prétendre engager l’opinion du cabinet. A moins d’une rétractation absolue, il était impossible de retirer plus complètement des paroles échappées dans un accès d’emportement et de dépit. Le dénoûment de cet incident suffit à montrer combien grande est l’erreur de ceux qui ont pu croire que la dernière heure de la chambre des lords avait sonné. Les Anglais sont convaincus que la dualité du pouvoir législatif est une nécessité indiscutable ; et ils estiment avec une juste fierté qu’il n’est point dans le monde de sénat plus illustre, plus éclairé et plus indépendant que leur chambre héréditaire.

La politique extérieure a tenu peu de place dans les débats, sinon dans les préoccupations du parlement. On a vu quels nuages