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les premiers centres ; cependant il en a été proposé une autre, applicable d’ailleurs à tous les cas qui se peuvent présenter. L’idée que l’on se fait généralement des relations de la moelle et du cerveau est celle-ci : le cerveau commande, et la moelle obéit. Il semble que du cerveau parte l’ordre de produire tel ou tel mouvement ; à la moelle reviendrait la tâche de décider quels sont les muscles à mettre en action et de coordonner leur mouvement d’une manière harmonieuse et utile : elle aurait pour mission de coordonner les mouvemens élémentaires et individuels destinés à produire l’effet voulu par le cerveau. L’économie de l’organisme ressemblerait beaucoup, en ce qui concerne le système nerveux, à l’organisation de certaines de nos administrations, où il peut fort bien arriver que le directeur transmette un ordre et le voie exécuter sans savoir bien au juste quels sont les agens qui y ont pris part, ni par quels procédés la chose s’est faite. Il s’effectuerait donc dans la moelle un travail dont nous n’avons pas conscience, et l’électrisation des centres aurait pour effet d’envoyer un ordre à la moelle, et non de provoquer directement un mouvement.

Les singes étant assez difficiles à obtenir sous notre climat pour satisfaire aux besoins sans cesse renouvelés de l’expérimentation, Ferrier a dû opérer sur d’autres animaux moins élevés dans l’échelle des êtres, tels que les chiens, chacals, cochons d’Inde, rats, pigeons, grenouilles, poissons même ; bref, ordinaires ou extraordinaires, toutes les victimes de la physiologie expérimentale y ont passé. Ces expériences ont pleinement confirmé les résultats énoncés plus haut et montrent en outre que l’action des hémisphères devient de moins en moins importante à mesure que l’on descend l’échelle animale et que l’automatisme s’élève.

L’ablation de portions limitées de l’écorce du cerveau, procédé employé surtout par Carville et Duret et longuement exposé par eux, a conduit aux mêmes conclusions que l’électrisation, conformément aux propositions émises par Fritsch et Hitzig dès le début. Comme il a été dit, elles ont pour conséquence de paralyser et non plus d’exciter les centres. Seulement, chose curieuse, les animaux les plus élevés, les singes, guérissent très rarement et imparfaitement de ces lésions : chez eux la paralysie est durable, tandis que chez les animaux inférieurs, tels que le lapin, le cochon d’Inde, la paralysie est passagère. Cela tient, comme nous l’avons dit, à ce que chez les premiers les centres volontaires ont une grande importance, tandis que chez les derniers ils n’acquièrent qu’un faible développement.

Tels sont les faits sur lesquels on s’est appuyé pour affirmer