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voilà des documens. Quand M. Léon Gautier montra, d’après les écrivains spéciaux, comment les tropes ou chants festifs, s’étaient introduits, du VIIIe au XIe siècle, dans la liturgie romano-gallicane, sans autre raison appréciable que d’allonger les offices et de fournir, en quelque sorte, un surcroît de matière à l’avide attention des fidèles, ce fut un premier pas. Quand il montra de plus que ces tropes, écrits d’abord en prose cadencée, puis rimes par la suite, avaient conquis, au sein même de l’église, un commencement d’indépendance et s’étaient constitués en dialogues déjà presque dramatiques, ce fut un second pas. Et la preuve enfin fut acquise quand M. Sepet eut découvert un prétendu Sermon de saint Augustin dans le développement duquel on voyait nettement se dessiner la formation du drame futur. Saint Augustin évoquait successivement un certain nombre de prophètes, — dont Nabuchodonosor, Virgile et la Sibylle, — en témoignage de la divinité du Christ. Il interrogeait, et on lui répondait. Que fallait-il désormais pour être en droit de conclure que le monologue s’était transformé en dialogue, et qu’on avait incarné dans des personnages réels, vivans, et plus tard costumés, cette alternance des questions et des réponses ? Deux choses. D’abord il fallait prouver que, non-seulement le fait n’était ni sans analogue, ni sans précédent dans les usages liturgiques, mais encore qu’il était fréquent. Ensuite il fallait établir que de ce sermon même ou de telle partie de ce sermon de saint Augustin, tout un drame, tout un mystère était sorti, dont on pouvait suivre de siècle en siècle, et de texte en texte surtout, l’accroissement successif. C’est ce que fit encore M. Sepet.

Nous le répétons, bien loin de méconnaître l’importance de tels documens, nous l’exagérerions plutôt, étant bien convaincus qu’en matière d’érudition, comme de science, comme de littérature et d’art, ce n’est rien que d’avoir une idée : le tout est de démontrer qu’elle est conforme aux faits et prise comme des entrailles de l’histoire ou de la réalité. Mais, d’autre part, publier des documens pour se dispenser d’avoir des idées, comme font tels et tels que je ne nommerai pas aujourd’hui, voilà vraiment se rire du public et présumer un peu trop de notre simplicité d’esprit. Il y a des savans aussi qui se tuent, pour ainsi dire, en expériences, instruits, laborieux, patiens : uniques d’ailleurs pour ne point voir dans une expérience le capital, l’essentiel, le nouveau : gens qui mourront comme ils sont nés, en accumulant des observations inutiles pour eux-mêmes et superflues pour la science. Je ne dis pas cela pour M. Petit de Julleville. Aux dieux ne plaise ! Mais enfin quand je feuillette son second volume, — six cent cinquante pages qui ne contiennent que des dates de « représentations » et des « analyses » de miracles ou de mystères, — je me demande aux besoins de qui peut bien répondre cet amas de documens ? Ce livre encore est de ces livres