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vacances, et tout ce qu’on peut distinguer jusqu’ici, c’est que le gouvernement ne semble pas moins embarrassé qu’il ne l’était avant d’être renouvelé. — Il est désormais parfaitement d’accord sans doute, on ne cesse de le répéter ; il est décidé, on le dit. M. le ministre de l’intérieur a réuni ses chefs de service, convoqué tour à tour ses préfets, pour leur donner des instructions ; il distribue des mémoires, des consultations ! N’importe, l’embarras reste toujours, on en est encore aux intentions. Comment va-t-on procéder et par où commencer ? Qui frappera-t-on d’abord, les dominicains ou les capucins ? N’y aura-t-il pas pour les uns ou pour les autres quelques difficultés imprévues qui pourraient tout gâter ? N’a-t-on pas oublié quelque détail dans le programme d’exécution, devant lequel a reculé le dernier président du conseil et que le cabinet renouvelé s’est chargé de réaliser avant la rentrée du parlement ?

C’est donc là ce qui a pu provoquer une crise en plein interrègne parlementaire, en pleines vacances des pouvoirs publics ! C’est ce qui peut absorber un gouvernement composé de dix ministres, sans compter un certain nombre de sous-secrétaires d’état ! Tout s’efface devant cette suprême nécessité de disperser quelques congrégations, de mettre les scellés sur quelques maisons de dévotion non autorisée. La politique de l’article 7, l’exécution des. décrets du 29 mars, c’est le premier des intérêts pour la France. Les ministères se font ou se défont pour savoir si on ira un peu plus ou un peu moins vite dans la grande œuvre. Soit ! voilà qui est entendu, le nouveau cabinet se promet de porter comme don de joyeux avènement aux chambres, qui reviendront dans un mois, quelques expulsions de moines. Il aura eu le temps d’ici là de mettre en campagne préfets, commissaires de police et, au besoin même, les gendarmes. Il aura signifié aux bénédictins qu’ils doivent renoncer à leur vie et à leurs travaux en commun. Il aura dispersé dominicains, trappistes, carmes et capucins, c’est-à-dire qu’il leur aura fait déclarer par la voie de la police qu’ils n’ont pas le droit d’exister. Fort bien ! On aura fait tout ce qu’on médite ; la campagne savamment combinée par M. le ministre de l’intérieur aura atteint son but. Nous admettons, si l’on veut, que tout se soit passé sans trop de difficultés, sans incidens trop crians ou trop pénibles. Et après ? Quand on se sera épuisé en combinaisons administratives pour remporter cette éclatante victoire, quand on aura réussi à chasser de leurs couvens quelques capucins ou quelques eudistes, en sera-t-on beaucoup plus avancé ? La république aura-t-elle gagné en crédit et en bonne renommée devant le monde ? La France en sera-t-elle plus libre et plus prospère, mieux préparée à tout ce que peut lui réserver l’avenir ? Les ministres en auront-ils plus de raison, plus de supériorité politique, plus d’esprit d’initiative dans les affaires sérieuses ? Parlons franchement. On n’aura rien fait, rien du moins qui soit digne de politiques