grand nombre de clauses qui pourraient devenir, sous l’action du contrôle édicté par le congrès, une série de prétextes pour une ingérence incessante dans tous les actes de la Sublime-Porte… Inaugurer un droit de contrôle général sur un si grand nombre de clauses d’importance fort inégale serait un péril pour l’avenir, et le congrès risquerait, en entrant dans cette voie, d’introduire des élémens de désaccord parmi les puissances qui viennent de faire œuvre de paix et de concorde… » Oui, reprenait de son côté M. de Bismarck, « si les puissances s’engageaient solidairement à user de la force au besoin, elles risqueraient de provoquer entre elles de graves dissentimens. » A quoi le chancelier d’Allemagne ajoutait avec le détachement d’un philosophe revenu des illusions : « Le congrès ne peut faire qu’une œuvre humaine, sujette comme toute autre aux fluctuations des événemens. » Et finalement l’article imaginé par le prince Gortchakof restait pour ce qu’il était, pour une expression peu déguisée de la politique russe. Le congrès refusait de l’adopter même avec les atténuations successives par lesquelles on cherchait à l’adoucir ; il refusait en un mot d’inscrire dans le traité le droit de coercition.
Qu’a-t-on fait cependant par cette récente tentative, par cette démonstration qui n’a pas été jusqu’ici, à la vérité, des plus triomphantes ? Il ne faut pas s’y tromper, c’est un acte de prépotence par la force que le traité de Berlin a refusé de prévoir, qu’il n’autorise pas, et que consacre encore moins le droit supérieur qui règle les relations des peuples. L’Europe prend vraiment depuis quelques années un rôle assez extraordinaire en Orient, un rôle qu’elle ne s’est point créé, nous le voulons bien, qu’elle a un peu reçu comme une tradition, mais qu’elle tend manifestement à exagérer. De plus en plus elle se croit tout permis à l’égard de l’empire ottoman. Elle ne se borne pas à intervenir par des commissions sans nombre dans les provinces turques d’Europe ou d’Asie ; elle unit par ne plus même laisser à la Porte la liberté d’avoir une opinion sur ses intérêts les plus directs, de se défendre dans ce qui lui reste d’indépendance et d’existence. Elle dispose de la souveraineté turque sans façon, selon ses convenances du moment. Le traité de Berlin a prévu simplement, sans entrer dans plus de détails, une rectification de frontières du côté de la Grèce ; soit ! Bientôt une conférence se réunit ; elle fixe souverainement des tracés, elle taille en Épire et en Thessalie, elle attribue au royaume hellénique des territoires assez étendus ; elle enflamme par un don opulent l’ambition de la Grèce, qui n’a pris aucune part à la dernière guerre, et la Porte n’est même pas admise à contester une délimitation nouvelle qui l’atteint dans tous ses intérêts politiques et stratégiques ! Même difficulté du côté du Monténégro, qui reçoit, lui aussi, une extension de territoire. Comment s’opérera la cession du petit port de Dulcigno, qui n’avait pas été compris dans la délimitation primitive, qui n’a été attribué que plus tard au Monténégro ?