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cherche tout au moins à reculer le moment où ces réformes, déjà votées par le sénat, seront votées par la chambre des députés. Elle n’a jusqu’à ce jour que trop bien réussi et, si l’on en croit le bruit public, elle serait puissamment aidée dans ses efforts par une haute autorité parlementaire. Vraie ou fausse, cette opinion est assez répandue pour que nous la retrouvions jusque dans les journaux étrangers.

La loi sur l’administration de l’armée soulève deux questions principales dont l’importance n’échappera à personne. L’intendance conservera-t-elle son indépendance ou sera-t-elle soumise à l’autorité du commandement, c’est-à-dire du général commandant le corps d’armée ? La chirurgie militaire continuera-t-elle à faire partie des services administratifs, à être dirigée par l’intendance ; ou bien, obtenant son autonomie, comme le génie et l’artillerie, sera-t-elle dirigée par un médecin en chef sous la haute et unique autorité du commandement militaire ? Tels sont les deux problèmes dont la loi, toujours en discussion, doit régler la solution.

Je ne discuterai pas la première question, qui n’est pas de ma compétence ; mais j’espère, en abordant la seconde, montrer que la médecine militaire doit être affranchie du joug funeste de l’intendance et qu’elle a droit à l’autonomie parce que cette autonomie lui est nécessaire pour l’accomplissement de son importante et difficile mission. Chose digne de remarque, le gouvernement de 1848, et considérant qu’il est urgent de reconstituer le service de santé sur des bases plus favorables à l’intérêt général aussi bien qu’à la dignité des hommes de science et de dévouement auquel ce service est confié, » avait, par le décret du 3 mai 1848, proclamé cette indépendance de la chirurgie militaire. Trente-deux ans se sont écoulés depuis lors, et, grâce à l’opposition de l’administration facilement victorieuse d’un corps que son libéralisme rendait suspect, ce décret resta lettre morte. Les désordres révélés par les guerres de Crimée et d’Italie, en ouvrant les yeux à l’Europe entière, devaient plus tard amener dans toutes les armées la réorganisation du service médical sur les bases posées par le décret de 1848 ; seule, la France, qui jadis en avait eu l’initiative, est restée en arrière du progrès, et l’intendance a continué à conserver un pouvoir qui ne saurait plus longtemps lui appartenir.


I

En France, dans l’état actuel des choses, la subordination de la médecine militaire à l’intendance est complète. Il exista bien, sans doute, au ministère de la guerre, un conseil de santé ; mais si, d’après le règlement du 31 août 1865 sur le service de santé de