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ne peuvent pas exister l’une à côté de l’autre… La chose nécessaire pour toutes les armées, c’est que l’on forme des troupes sanitaires spéciales organisées comme le génie, l’artillerie, le train ; que ces troupes sanitaires soient indépendantes des autres troupes et qu’elles puissent se recruter comme elles. Ces troupes, comme tout le reste du service médical, devraient être sous la direction des médecins. » À cette observation si juste, M. le docteur Longmore, chirurgien-général de l’armée anglaise, répondait : « La question a été décidée en Angleterre, et j’ai vu les médecins exercer le commandement. Ils sont, en effet, à la tête des compagnies de brancardiers, et les officiers d’administration leur sont subordonnés. »

Enfin, il est un dernier élément qui, dans une certaine mesure. a fait obstacle à l’indépendance du corps médical français, c’est l’existence des pharmaciens militaires. Si l’on se reporte à la discussion de 1873 devant l’Académie de médecine, on voit que le pharmacien s’insurge à l’idée d’être subordonné au médecin, et peu s’en faut que, pour éviter cette subordination, il ne préfère la suprématie de l’intendance. Cependant là où il y a un chef, il y a des subordonnés, et personne n’a encore eu l’idée de donner au pharmacien la direction du service médical. Du reste, une des caractéristiques de notre organisation médicale militaire, c’est la place incroyablement considérable donnée au pharmacien. Dans le tableau B du projet présenté par le général Farre, pour un effectif de treize cents médecins, il y a cent quatre-vingt-cinq pharmaciens ; cependant l’Italie n’en a que quatre-vingt-neuf, l’Autriche soixante-cinq et l’Allemagne, pour un effectif de seize cent vingt-huit médecins, ne compte que 17 pharmaciens. Il y a plus, en Allemagne et en Autriche, tandis que les médecins forment un corps spécial d’officiers considérés comme personnes militaires, c’est-à-dire considérés comme combattans, ce qui n’est que justice, les pharmaciens appartiennent à la classe des employés militaires (Beamten). Il en est de même en Russie, où les pharmaciens ne portent pas l’épaulette que portent les médecins comme insigne de leur grade. S’il est indispensable d’avoir à la tête des dépôts de médicamens ou dans les laboratoires de la pharmacie centrale des savans ayant reçu, comme les pharmaciens, une instruction spéciale ; s’il est utile, mais non indispensable, d’en avoir à la tête du service pharmaceutique des grands hôpitaux, le pharmacien est une superfétation dans les ambulances et même dans les hôpitaux mobiles en activité sur le théâtre de la guerre. Les médicamens officinaux sont tout préparés dans les caissons, et quant aux préparations extemporanées, qui ne consistent guère que dans des mélanges et des pesées, il n’est pas un médecin qui ne soit capable de les effectuer. Du reste, en temps de guerre, la mobilisation fournirait