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et c’était justice, car elles sont les seules qui possèdent sur les bords du Nil des intérêts financiers, industriels et diplomatiques de premier ordre. Personne alors n’avait entendu parler au Caire ou à Alexandrie de l’influence autrichienne ou de l’influence allemande. Pourquoi l’Autriche, pourquoi l’Allemagne se seraient-elles occupées des affaires de l’Égypte ? Pourquoi y auraient-elles pris une part importante ? Elles n’ont dans le pays que des colonies insignifiantes ; jamais elles ne sont mêlées à sa vie morale ou matérielle, soit pour lui rendre, soit pour en retirer des services. Les Égyptiens ont éprouvé une grande surprise lorsqu’ils ont appris dans ces dernières années qu’ils avaient à compter avec Vienne autant qu’avec Londres ou Paris ; que disons-nous ? que Londres et Paris étaient forcés de se soumettre ! aux décisions de Vienne, et que désormais c’étaient les eaux du Danube, encore plus que celles de la Seine et de la Tamise, qui viendraient se mélanger aux eaux du Nil. A coup sûr, un pareil changement était tout factice ; il provenait uniquement de la force qu’on avait laissé prendre aux Autrichiens et aux Allemands dans les tribunaux mixtes ; mais il n’en existait pas moins, et ses conséquences ont été si nombreuses, si importantes qu’il n’est plus possible de songer à les détourner complètement. C’est de la réforme judiciaire que datent en Égypte les projets de gouvernement international, spécialement dirigés contre la France et l’Angleterre, qui amèneraient, s’ils venaient à triompher, une anarchie politique grosse de périls. A peine le dernier contrôle anglo-français était-il organisé qu’on assistait à la coalition du vieux parti turc, évincé du pouvoir, avec les colonies italienne, autrichienne et allemande et la cour d’appel d’Alexandrie. C’est l’appui de cette dernière qui donnait quelque consistance à cette coalition ; car le vieux parti turc, composé d’urne trentaine d’individus plus impuissans les uns que les autres, et les colonies autrichienne, italienne et allemande n’avaient aucune force personnelle. Mais l’arme de la loi est une arme terrible lorsqu’elle est mise au service d’un parti. On en a fait l’expérience en Égypte : , et si la commission internationale qui se réunira prochainement au Caire ne prend pas des mesures efficaces pour ramener et renfermer les tribunaux mixtes sur le terrain purement judiciaire qu’ils ont déserté, tous les efforts au moyen desquels on tentera d’ailleurs de relever ce malheureux pays seront frappés d’une irrémédiable stérilité.


IV

Le problème des modifications à introduire dans l’organisation des tribunaux de la réforme pour rendre ces tribunaux inoffensifs au point de vue politique, tout en leur conservant une autorité