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beaucoup plus compliquée que la précédente. La première idée qui se présente, lorsqu’on examine les abus qu’a entraînés l’omnipotence de la cour d’Alexandrie, c’est de placer, au-dessus de cette cour, à l’exemple de l’Europe, une cour suprême qui lui enlèverait le jugement définitif du droit. Mais, pour créer cette cour suprême, il faudrait créer en outre une seconde cour d’appel, car il ne serait pas possible de renvoyer une cause à celle qui l’aurait déjà jugée et mal jugée. Une seconde cour d’appel entraînerait la formation de nouveaux tribunaux, car il ne serait pas possible non plus de n’avoir que trois tribunaux de première instance avec deux cours d’appel. La cour d’appel d’Alexandrie n’a en somme qu’un nombre d’affaires très modéré à traiter, — quatre cents par an environ ; — il est donc tout à fait superflu de lui donner un auxiliaire. Il serait plus juste d’organiser de nouveaux tribunaux de première instance ; ceux du Caire et d’Alexandrie succombent sous la besogne ; ils jugent cinq ou six fois plus d’affaires que nos tribunaux français. Mais, dans la situation financière de l’Égypte, on ne peut songer à grever le budget des dépenses qu’entraînerait l’établissement d’une cour de cassation, d’une nouvelle cour d’appel et de nouveaux tribunaux de première instance. Les magistrats qui vont en Égypte exigent des traitemens considérables ; à côté des magistrats, le personnel judiciaire, greffiers, commis, huissiers, coûte des sommes importantes. Il est évident que s’il fallait, pour modifier la réforme judiciaire, braver toutes les règles d’une économie qui est devenue la première loi du gouvernement égyptien, le maintien de l’état actuel serait inévitable. Mais est-il nécessaire de fonder en Égypte même de nouvelles institutions judiciaires ? Pourquoi ne pas reprendre, en les adaptant au régime actuel, les traditions du système consulaire ? Pourquoi ne pas placer hors de l’Égypte non plus la seconde, mais la troisième instance ? Jadis, lorsqu’un procès était jugé par un tribunal consulaire, on en appelait devant la cour d’appel, puis devant la cour de cassation du pays de la partie perdante. Étrangers et indigènes étaient également habitués à ces longs voyages, et s’ils s’en plaignaient, ce n’était pas à cause des lenteurs qu’ils entraînaient et que la facilité des communications modernes avait singulièrement restreintes, c’était à cause du désordre produit par la multiplicité des juridictions de seconde et de troisième instance. Un indigène en contestation avec un Français allait sans peine à Aix et à Paris ; mais lorsque la contestation roulait entre plusieurs personnes de nationalités différentes, il fallait s’adresser à autant de cours qu’il y avait de nationalités[1]. De plus, une simple

  1. Tout cela a été fort bion expliqué par M. Layollée, dans le travail dont nous avons déjà parlé. Voyez la Revue du 1er février 1875.