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l’armée de Condé, forte d’environ trente mille hommes ; l’armée royale avait vingt-sept mille hommes, dont vingt mille hommes de pied.

Condé voulait s’assurer un passage sur la Loire et aller soulever le nord de la France, tandis que le duc d’Anjou cherchait à le tenir enfermé dans la Saintonge. Une bataille eut lieu à Jazeneuil (près de Lusignan), bataille hasardeuse et confuse, sans résultats tactiques : l’avantage stratégique appartint à Condé, car pendant que l’armée royale restait sous les armes et rectifiait ses positions, Condé prenait l’avance sur le chemin de la a France ; » c’est ainsi qu’on appelait encore le pays au nord de la Loire. Les Suisses, avec l’armée royale, quittèrent les environs de Poitiers et suivirent Condé à Mirebeau et Loudun. Un froid terrible ayant imposé une sorte de trêve aux deux armées, Condé prit ses cantonnemens autour de Loudun et le duc d’Anjou à Chinon. La campagne de 1568 était finie ; celle de 1569 devait être une des plus sanglantes de nos guerres civiles. Condé tenait les villes principales du Poitou ; les royaux gardaient les affluens de la Loire et de la Vienne, pour empêcher la jonction de Condé avec les secours allemands qui d’ordinaire longeaient les sources de la Seine et de ses affluens pour arriver dans la vallée de la Loire. On reprit la campagne dès la fin du mois de janvier, on manœuvra beaucoup des deux parts, et les deux armées ne se trouvèrent en présence que le 13 mars à Jarnac. Le duc d’Aumale a donné une brillante description de la grande bataille qui s’y livra, et les rapports suisses permettent seulement d’ajouter quelques touches au tableau qu’il a tracé.

A la faveur de la nuit et d’un brouillard épais, l’armée royale traversa la Charente sans être aperçue. Le duc d’Anjou, qui avait communié de bon matin avec tous les princes, la rejoignit sur la rive droite, à neuf heures du matin. L’avant-garde était commandée par Guise, Martigues et Montpensier. Elle était suivie des Suisses, avec l’artillerie et la cavalerie allemande ; ensuite venait le duc d’Anjou avec la bataille ; l’armée déboucha ainsi en une seule colonne. Elle ne fut aperçue qu’à ce moment par les patrouilles huguenotes. On sait comment Coligny et d’Andelot furent accablés, comment les appels de Coligny empêchèrent Condé de faire la retraite en bon ordre qu’il commençait déjà et l’amenèrent sur le champ de bataille, où il trouva la mort d’un héros.

Les Suisses étaient, comme toujours, à peu près au centre de la ligne de bataille des royaux ; Pfyffer dit positivement dans son rapport que ses hommes n’en vinrent pas aux mains pendant les principales attaques ; quand la bataille était déjà perdue pour les huguenots, ils tombèrent seulement sur les hommes de pied de l’armée