d’Iphigénie, d’Eriphile. On verrait alors que le style de Racine consiste surtout en un choix et un arrangement de mots qui suivent la disposition intérieure des personnages, et qui viennent dessiner, pour, ainsi dire, au dehors, ce qu’il y a de plus noble, de plus délicat, de plus fin, et quelquefois aussi de plus précieux, dans le sentiment.
Ajoutons une observation. Quand on voit jouer Iphigénie ou quand on la relit, seulement pour le plaisir de la relire, on passe condamnation, sans presque s’en apercevoir, sur ce que j’appellerai la singularité toute grecque de la donnée. Mais aussitôt qu’on se reprend, c’est autre chose, et l’on accepte difficilement que ce soit un sacrifice humain qui forme le point de départ et qui marque le terme de la tragédie tout entière. L’invraisemblance n’est-elle pas trop choquante, et quelque effort de bonne volonté que nous fassions, pouvons-nous bien comprendre et nous assimiler la douleur, le désespoir, la colère qu’excite chez tous ces personnages la terreur d’un événement dont notre esprit repousse la monstrueuse possibilité ? C’est une question. Je ne la résous pas. Et si je la pose, c’est pour en tirer une conclusion qui paraîtra sans doute intéressante, à savoir : que le principal défaut de l’Iphigénie de Racine, c’est donc d’être trop fidèlement grecque. Trop de couleur locale. En vain Racine a-t-il modifié le dénoûment de l’Iphigénie d’Euripide, — en vain a-t-il allégé son intrigue de tout le merveilleux qu’il en pouvait ôter, — en vain par ces deux vers :
- Le soldat étonné dit que dans une nue
- Jusque sur le bûcher Diane est descendue,
a-t-il pris soin de dégager Ulysse, Agamemnon, Achille, de toute croyance à la vérité de cette apparition miraculeuse : la fabulation est demeurée trop grecque encore. Ce qui sert à démontrer deux choses, qui toutes deux nous tiennent à cœur : d’abord la vanité des reproches que l’on fait quelquefois à Racine de ne nous avoir pas montré de vrais. Grecs ou de vrais Romains sur la scène, et ensuite la vanité de cette recherche d’exactitude, jadis baptisée du nom de couleur locale. Si Racine, moins exact, avait mis encore moins de couleur locale dans son Iphigénie, son Iphigénie serait à l’abri de la seule critique de quelque importance qu’on lui puisse adresser.
Nous passons d’Iphigénie à Charlotte Corday, — et nous y passons sans transition parce que nous n’en voyons pas de naturelle qui ne fût gratuitement désobligeante à la mémoire de Ponsard. Aussi sévère que l’on voudra pour cette composition mal venue, nous ne voudrions pourtant pas