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Jeune, belle et romanesque, il semble difficile qu’au dernier moment, elle n’ait pas eu comme un soupir de regret vers tout ce qu’elle abandonnait. Nous lui ferons rencontrer une petite fille, et elle dira :


J’aurais pu cependant être entourée aussi
De petits anges blonds pareils à celui-ci.
Il faut que je renonce à tout ce qu’on envie ;
Je vais mourir avant d’avoir connu la vie.


Le personnage est selon la formule et la tragédie dans les règles.

Joignez encore quelques figures choisies de fine rhétorique. Une invocation ? Elle y est : c’est Vergniaud qui la prononce :


….. O vaisseau triste et cher,
Un nouveau coup de vent t’emporte en pleine mer !


Une bénédiction ? C’est Mme de Bretteville qui la donne :


Je te bénis, enfant que me laissa mon frère !


Que pensez-vous de cette manière de dire : « ma nièce ? » Une prosopopée maintenant.


Nul ne s’est donc levé ? Nul n’a dit : « Citoyens,
Pour qui veut être libre en voici les moyens… »


Et là-dessus, finissons par l’apostrophe au poignard :


Poignard, agent du crime, agent déshonoré
Ennoblis-toi ! ..


J’oubliais un dernier détail, à savoir quelques souvenirs, imitations, ou traductions de l’antique, immédiates et transparentes :


…….. Contre l’ignominie,
J’aurai de la colère à défaut de génie ;


ou bien :


Demain, ô compagnons des maux déjà soufferts,
Nous parcourrons encor l’immensité des mers ;


ou encore : « Je me demande, — c’est Barbaroux qui parle,


…….. Si vous ne seriez pas
Quelque divinité descendue ici-bas,
Et si la liberté, la déesse nouvelle
N’aurait pas pris les traits d’une jeune mortelle.