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d’hommes tels que M. Guizot et M. Duchâtel ; il les accusait d’avoir déjà oublié tout ce qu’ils avaient dit ensemble au temps de la coalition, de n’être plus à leur tour, auprès d’une majorité satisfaite, que les interprètes éloquens du « gouvernement personnel » reconstitué, de laisser apparaître à travers tout l’autorité royale et de vouloir plaire au lieu de servir. Un jour même, M. Thiers ne craignait pas de déchirer les voiles à propos d’un incident délicat. M. de Salvandy, alors ambassadeur à Turin en même temps que député, avait donné sa démission après s’être séparé du gouvernement dans un vote de « flétrissure » contre les légitimistes qui étaient allés à Londres voir M. le comte de Chambord. Comment la démission avait-elle été donnée ? Personne n’ignorait que c’était à la suite d’une visite que M. de Salvandy avait faite aux Tuileries et où il avait reçu de vifs reproches du roi lui-même. M. Thiers n’hésitait pas à porter cet incident devant la chambre, bien entendu en s’attaquant à la responsabilité d’un ministère sous lequel pouvaient se passer des actes a peu conformes aux règles constitutionnelles, » et, élevant la question, il ajoutait hardiment :


On se demandera comment, nous qui nous piquons d’appartenir à l’opposition modérée, nous venons nous mêler à la discussion d’un tel incident. J’ai hâte de répondre. Je le dis en mon nom et au nom de mes amis : Notre conduite politique est le résultat de deux résolutions invariables que je vais faire connaître toutes deux. Nous sommes résolus comme des gens honnêtes, conséquens et courageux, à maintenir le gouvernement, à contribuer du moins par nos efforts à le maintenir contre ses adversaires de toute espèce. Nous sommes les partisans sincères et décidés de la monarchie, et par la monarchie nous ne comprenons que la maison d’Orléans. Nous sommes donc décidés, satisfaits ou non de la marche du gouvernement, toutes les fois qu’il s’agira de son existence, nous sommes décidés à lui apporter le tribut de nos efforts… De quelque nature que soient les adversaires du gouvernement, qu’ils se placent dans le passé ou dans l’avenir, en avant ou en arrière, ils nous auront pour adversaires ; mais une seconde résolution qui, chez nous, est aussi invariable que la précédente, c’est, en maintenant le gouvernement de tous nos efforts, de le contenir dans la rigueur des règles constitutionnelles. Il n’y a pas un esprit élevé parmi nous qui voulût se prêter à une vaine comédie constitutionnelle qui ne cacherait en réalité que la domination d’un pouvoir sur les autres. La France a eu beaucoup de gouvernemens. Elle a eu sous l’empire le gouvernement du génie ; elle a eu sous la restauration le gouvernement des traditions. L’un et l’autre ont fini dans les abîmes ; mais l’un et l’autre avaient leur prestige. Nous avons aujourd’hui un gouvernement nouveau, Ce