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LA
REFORME JUDICIAIRE

I.
LES CRISES ANCIENNES. — LA MAGISTRATURE FRANÇAISE DE 1789 A 1871.

La magistrature française traverse en ce moment une crise des plus graves. Il y a peu d’années, il était encore permis de se faire illusion sur la nature et l’imminence du péril. On pouvait croire que l’orage passerait sans éclater sur sa tête, que les nuages amoncelés se disperseraient au premier effort de sages réformes, et que l’électricité s’écoulerait lentement sans que la foudre mît le feu à l’édifice. Malheureusement les griefs qui sont invoqués contre les magistrats sont ceux qui entrent le plus aisément dans l’esprit du peuple. Toutes les imputations dirigées contre eux ont été répandues, colportées, accueillies avec une rapidité redoutable. On a répété que la magistrature actuelle, léguée par l’empire, était imbue de son esprit, qu’elle haïssait la république, et qu’enfin, crime irrémissible, elle était cléricale. Voilà le langage habile, les insidieux mots d’ordre redits autour de nous et que nos oreilles sont lasses d’entendre. A écouter les accusateurs, à observer leur audace, et l’action lente et sûre de leurs calomnies, on est bien tenté de perdre patience et de dénoncer le mobile secret qui les pousse. Il n’est pas une de nos révolutions qui n’ait vu un flot pressé de solliciteurs s’abattre dans les antichambres ministérielles, poursuivre sans