Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contient quinze planches avec des notices explicatives. En commençant, M. Rayet rappelle que beaucoup d’autres ont imaginé avant lui de réunir dans un livre maniable les œuvres les plus intéressantes de l’antiquité, et il s’excuse de recommencer ce qui a été déjà fait avec talent. Je crois qu’il obtiendra aisément son pardon. Il est facile de comprendre qu’un ouvrage de ce genre, quoique très bien fait, soit toujours à refaire. Les procédés par lesquels on reproduit les modèles se perfectionnent sans cesse, le goût du public change, la science marche, les monumens nouveaux qu’on tire du sol inépuisable de la Grèce aident à comprendre les anciens. Aussi, quelque admiration qu’on éprouve pour les Winckelmann, les Millingen, les Ottfried Müller, les Welcker, on peut, sans être accusé d’impertinence, reprendre leur œuvre avec des ressources nouvelles et dans un esprit différent. M. Rayet se propose un autre dessein qu’eux ; ils travaillaient surtout pour les archéologues ; lui s’adresse plutôt aux artistes et aux gens de goût. « Nous voulons, dit-il, faire passer sous leurs yeux, sans nous astreindre à un ordre méthodique, sans tenir compte de la chronologie, sans nous inquiéter des publications antérieures, les œuvres de ces heureuses époques où l’on cherchait avec un zèle si honnête à copier la nature, mais à la copier dans ce qui mérite d’être regardé, où rien n’était ni extravagant ni vulgaire, où le bon sens courait les rues en compagnie du sens du beau, où l’œuvre de l’artiste restait vraie et où le moindre objet sorti des mains du dernier artisan révélait une étude et avait un style. Nous ne publierons que ce qui nous paraîtra intéressant au point de vue de l’art, mais nous trouvons intéressant tout ce qui témoigne d’un effort sincère, d’un sentiment juste, même lorsque la main est encore maladroite et rend mal la pensée. La rude et gauche naïveté des maîtres primitifs n’a rien qui nous effarouche, l’habileté banale des artistes de la décadence nous ennuie. Aussi nous remonterons quelquefois très haut, rarement nous descendrons très bas. Et lorsque nous quitterons la Grèce du Ve et du IVe siècle, ce sera plus volontiers pour nous diriger sur l’Égypte des pharaons et l’Assyrie des Sargonides que pour nous acheminer vers la Rome des Césars. »

Dans ces lignes, M. Rayet trahit ses préférences. Si la perfection le charme par-dessus tout, il aime mieux se placer à l’aurore des époques parfaites qu’à leur déclin. Il éprouve le plus vif attrait pour ces esprits vigoureux et sains qui précèdent et préparent les artistes accomplis. Ils ont entrevu le beau, ils le cherchent avec sincérité, et s’il leur arrive de le dépasser quelquefois, avant de l’avoir atteint, par une sorte d’excès d’énergie, M. Rayet est tout prêt à leur pardonner. De là vient son goût pour les ruines admirables des temples d’Olympie, que les Allemands achèvent de déblayer. Pæonios de Mendé et Alcamène de Lemnos, dont les œuvres viennent de nous être rendues en débris, lui paraissent être bien près de Phidias. C’est précisément par une de ces